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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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arabe, de photocopier des documents et d’emprunter des livres à la bibliothèque. Tout le reste, je l’ai fait seul.
    — Je sais, Paul.
    Il porte la main à sa bouche.
    — C’est faux. Sans les découvertes de ton père et de Richard et sans votre aide, surtout la tienne, je n’y serais jamais arrivé. Vous m’avez tous montré le chemin.
    À l’entendre parler de mon père et de Richard Curry, j’ai l’impression que ce sont deux saints, deux martyrs sortis des diapositives de la conférence de Taft. Me voici tel Sancho Pança devant don Quichotte. Ces géants que Paul voit ne sont que des moulins à vent, je le sais. Pourtant, c’est lui qui voit clair dans les ténèbres, alors que moi, je doute de mes propres yeux. Or seul l’homme qui voit grand deviendra grand à son tour.
    — Bill Stein avait raison sur un point ; les résultats vont réellement bouleverser toutes les études historiques. Et pour longtemps.
    Il me prend des mains la pile de livres. J’éprouve soudain une sensation de légèreté. Derrière nous, le couloir s’étire jusqu’à une lumière lointaine. Même dans le noir, je distingue le sourire triomphant de Paul.

Chapitre 22
    Après de nombreux allers-retours, nous replaçons au hasard des dizaines de volumes dans les rayons. Paul s’en moque. Ce qui compte, c’est de ne plus les voir.
    — Tu te rappelles le contexte historique de l’Italie, peu avant la publication del’ Hypnerotomachia ?
    — Pas vraiment, hormis ce qu’en raconte le guide du Vatican.
    Il soulève une autre pile de livres pour la déposer dans mes bras.
    — La vie intellectuelle italienne, à l’époque de Colonna, gravite autour d’une seule ville, dit-il.
    — Rome.
    Il secoue la tête.
    — Plus petite. De la taille de Princeton : je parle du campus, pas de la ville… Cette cité réunit d’innombrables érudits. Des génies. Des esprits universels. Des penseurs qui, aux grandes questions, trouvent de grandes réponses. Des autodidactes ayant appris des langues mortes qu’ils sont les seuls à parler. Des philosophes qui confrontent des passages de la Bible à des idées empruntées aux textes des Grecs et des Romains, à la mystique égyptienne, à des manuscrits perses si anciens que nul ne peut les dater. Le summum de l’humanisme. Pense aux énigmes. Aux savants dans les universités qui jouent à la rithmomachie. Aux traducteurs qui interprètent Horapollon. Aux anatomistes qui révisent Galien.
    Je vois soudain se dresser le dôme de Santa Maria del Fiore. Mon père appelait cette cité la mère du savoir moderne.
    — Florence !
    — Exact. Mais ce n’est que le début. Dans toutes les autres disciplines, on y retrouve les plus grands noms d’Europe. En architecture, Brunelleschi, qui a conçu la coupole du dôme, la plus grande de tous les temps. En sculpture, Ghiberti, dont les bas-reliefs sont si beaux qu’on les surnomme les Portes du paradis. Et l’assistant de Ghiberti, donc on dira plus tard qu’il est le père de la statuaire moderne : Donatello.
    — Les peintres n’étaient pas mal non plus.
    Paul sourit.
    — La plus grande concentration de génies de l’histoire de l’art en Occident, dans une toute petite ville. Ils appliquaient de nouvelles techniques, inventaient la théorie de la perspective et révolutionnaient la peinture, qui n’était plus un métier, mais une science et un art. Il y en a près d’une quarantaine comme Alberti, qui, ailleurs, n’importe où, auraient été considérés comme des grands. Mais dans cette ville, ils n’étaient que des peintres mineurs, écrasés par les géants. Masaccio. Botticelli. Michel-Ange.
    Approchant du cœur de sa démonstration, il accélère le pas dans le couloir sombre.
    — Léonard de Vinci ! Machiavel ! Boccace ! Dante ! Plusieurs d’entre eux sont contemporains du livre. Et, surtout, il y a les Médicis, une famille tellement riche qu’elle peut se permettre d’entretenir tout ce que Florence compte comme artistes et penseurs.
    « Tous ces gens sont réunis dans une même ville, à peu près à la même époque. Les plus grands héros de l’histoire de la culture occidentale se croisent dans la rue, s’interpellent par leur prénom, bavardent entre eux, se concurrencent, s’influencent ou s’exhortent les uns les autres à aller plus loin encore, à se dépasser. Dans ce lieu où régnent la beauté et la vérité, les grandes familles se disputent le financement d’œuvres

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