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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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Curry. Il pose une main sur son dos, avec délicatesse, et lui murmure quelques mots à l’oreille. Mais le vieil homme secoue la tête.
    — Je suis là, dit Curry, assez fort pour que tout le monde entende. J’ai quelque chose à dire.
    Taft s’est tu. Tout le monde a les yeux braqués sur l’inconnu qui s’avance vers l’estrade. Curry se passe la main dans les cheveux avant de continuer :
    — Le langage de la violence ? gronde-t-il cette fois d’une voix stridente, étrange. Tu l’enseignais il y a trente ans, Vincent, et ton public, c’était moi.
    Il se tourne vers la foule et ouvre grands les bras.
    — Vous a-t-il parlé de saint Laurent, de saint Quentin ? De saint Elme et du treuil ? N’y a-t-il donc rien de nouveau, Vincent ?
    Un murmure parcourt l’auditoire. À l’autre bout de la salle, un rire fuse. Curry pointe l’estrade d’un geste empli de mépris :
    — Chers amis, cet homme est un imposteur, un escroc.
    Puis, à Taft :
    — Vincent, je te savais charlatan, capable de chercher à abuser plusieurs fois le même homme. Mais ici, ce soir, tu t’attaques à des esprits innocents. Bravissimo, il Fraudolento ! ajoute-t-il avant de poser deux doigts sur ses lèvres et de lui envoyer un baiser.
    D’un mouvement de bras, il invite la foule à se lever.
    — Applaudissez, mes amis. Acclamez saint Vincent, saint patron des voleurs.
    Taft fulmine.
    — Pourquoi es-tu venu, Richard ? dit-il, contrarié.
    — Il se connaissent ? s’étonne Charlie.
    Paul essaie de capter l’attention de Curry, en vain.
    — Pourquoi es-tu venu, toi, mon vieil ami ? Sommes-nous au théâtre ou à l’université ? Et que vas-tu dérober cette fois, maintenant que le livre du capitaine du port n’est plus en ta possession ?
    À ces mots, Taft tressaille avant de hurler :
    — Assez, Richard !
    Mais la voix de Curry s’échappe, ne lui appartient plus.
    — Qu’as-tu fait de la pièce de cuir qui se trouvait dans le journal, Vincent ? Dis-le-moi et je m’en irai. Tu pourras continuer de berner ton monde.
    Les ombres de la salle semblent envahir le visage de Curry. Le professeur Henderson se lève enfin et s’écrie :
    — Qu’on appelle la sécurité !
    Un proctor est sur le point d’empoigner Curry, mais Taft a recouvré sa morgue :
    — Non, grogne-t-il. Lâchez-le. Il partira de lui-même, n’est-ce pas, Richard ? Avant qu’on ne soit obligé de t’arrêter…
    — Vingt-cinq ans ont passé, Vincent, l’interrompt Curry, et c’est toujours la même guerre. Dis-moi où est le plan et je disparaîtrai. Tout le reste, ajoute-t-il en écartant les bras comme pour embrasser la salle, tout le reste est vain.
    — Va-t’en, Richard.
    — Nous avons échoué tous les deux. Tu connais ce dicton italien : « Il n’y a pas pire voleur qu’un mauvais livre. » Soyons dignes et retirons-nous. Où est le plan ?
    Le proctor se glisse entre Paul et Curry mais, à mon grand étonnement, Curry baisse la tête et tourne le dos avant de remonter l’allée. La fièvre a déserté son visage.
    — Vieux fou, lance-t-il d’une voix lasse.
    Les étudiants s’écartent pour laisser passer Curry. Incapable de bouger, Paul regarde son ami s’éloigner.
    — Pars, Richard, ordonne Taft sur l’estrade. Et ne reviens pas !
    Nous suivons la lente progression de Curry vers la sortie. La blonde de l’entrée le considère, les yeux agrandis par la peur. Le vieil homme franchit le seuil, traverse le vestibule et disparaît.
     
    La salle se met aussitôt à bruire.
    — C’était quoi, ce cirque ? dis-je en regardant la porte.
    Gil s’approche de Paul et lui passe un bras autour des épaules.
    — Ça va aller ?
    — Je n’y comprends rien, balbutie Paul.
    — Que lui as-tu dit ?
    — Rien. Mais il faut que j’y aille. Il faut que je parle à Richard.
    Ses mains tremblent. Il tient toujours le journal serré contre lui.
    Charlie proteste, tente de le retenir, mais Paul s’éloigne à grands pas vers la sortie.
    — Je l’accompagne, annoncé-je.
    Cette fois, Charlie acquiesce, soulagé. Je me retourne une dernière fois vers la scène avant de m’éclipser. Taft a repris sa conférence et il me semble que le géant me regarde droit dans les yeux. Toujours assise, Katie essaie d’attirer mon attention. Ses lèvres formulent une question muette que je ne saisis pas. Je referme doucement la porte derrière moi.
    Dehors, les tentes s’agitent comme des squelettes et

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