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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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père, se retrouvait chez Paul. En outre, la passion de mon ami pourl’ Hypnerotomachia ravivait le souvenir des jours heureux au cours desquels, avec Vincent Taft et mon père, il avait exploré, cet ouvrage. Le semestre suivant, il offrait à Paul un séjour de recherches en Italie. C’est là que l’ardeur du soutien que Richard manifestait à Paul se mit à m’inquiéter.
    Mais si Charlie et moi avions redouté de perdre nos deux amis, nous fûmes vite rassurés. À la fin de l’année, Gil proposa que nous partagions un appartement dans une résidence du campus, renonçant pour rester avec nous à son « studio présidentiel » de l’Ivy Club. Paul accepta avec enthousiasme. La commission des attributions de logement du campus nous assigna Dod Hall ; Charlie aurait préféré le quatrième étage — les escaliers nous auraient forcés à faire de l’exercice — mais le bon sens et le confort l’emportèrent, et c’est dans l’appartement du rez-de-chaussée, fort bien meublé par les bons soins de Gil, que nous passâmes notre dernière année à Princeton.
    Entre la chapelle et la salle de conférence s’étend une vaste cour dallée où nous sommes accueillis par un étrange spectacle. Une dizaine de tables couvertes de victuailles attendent dans la neige sous des tentes. Je n’en crois pas mes yeux : les organisateurs ont l’intention de servir une collation en plein air par ce froid.
    Et, comme lors d’une kermesse champêtre avant un ouragan, il n’y a personne. Sous la toile tendue, entre deux touffes d’herbe, le sol est trempé de boue. La neige s’infiltre par les côtés, et les nappes claquent au vent, freinées dans leur envol par le poids des Thermos d’eau chaude et des plateaux de gâteaux et de petits-fours sous Cellophane. Image saisissante que cette immense cour vide et silencieuse, telle une ville anéantie, ersatz de Pompéi.
    — C’est une blague ! s’exclame Gil en garant la voiture.
    Nous marchons en direction de la salle de conférence. Au passage, Gil secoue les poteaux de la tente la plus proche. Toute la structure s’ébranle.
    — Attendez que Charlie voie ça ! ajoute-t-il.
    À l’instant même, la silhouette de Charlie se dessine sur le seuil de la salle de conférence. Il s’apprêtait vraisemblablement à partir.
    — Eh, Charlie ! dis-je en gesticulant vers la cour. Qu’est-ce que tu penses de ce barda ?
    Mais Charlie a autre chose en tête.
    — Tes idiots de copains ont placé une fille comme cerbère et elle ne veut pas me laisser passer, lance-t-il à Gil.
    Gil tient la porte ouverte. Les idiots, ce sont les étudiantes de l’Ivy qui s’occupent de la coordination des festivités pascales.
    — Du calme, dit Gil. Elle aura craint un canular du Cottage Club. Des rumeurs courent à ce sujet et les filles préfèrent étouffer ce genre de plan dans l’œuf.
    Charlie se presse l’entrejambe.
    — C’est plutôt ça qu’elles étouffent.
    — Quelle classe ! raillé-je en marchant vers la chaleur de la salle de conférence, dans l’espoir de sécher mes chaussures trempées. On peut entrer ?
    Sur le palier, assise derrière une table, une étudiante de deuxième année — cheveux blond platine, teint hâlé de skieuse — secoue la tête. Mais quand Gil apparaît derrière nous, sa mine se transforme.
    La jeune fille considère Charlie d’un air piteux.
    — Je ne savais pas que vous étiez avec Gil…
    J’entends déjà le professeur Henderson, du département de littérature comparée, qui présente Taft à l’assistance.
    — Laisse tomber, dit Charlie en la dépassant.
    Nous lui emboîtons le pas.
    La salle est bondée. Ceux qui n’ont pas trouvé de place s’entassent le long des murs et près de l’entrée. Katie est assise dans une des dernières rangées, mais avant que j’aie le temps de lui faire signe, Gil m’entraîne avec lui. Un doigt sur les lèvres, il indique de la tête le devant de la scène. Taft vient de faire son entrée et avance vers l’estrade.
     
    La conférence du Vendredi saint est une tradition fort ancienne à Princeton. Bon nombre d’étudiants, qu’ils soient chrétiens ou non, ne manqueraient pour rien au monde ce rendez-vous annuel. Selon la légende, le rituel pascal fut introduit par le théologien Jonathan Edwards, artisan du renouveau religieux en Nouvelle-Angleterre au XVIII e siècle, qui fut le troisième président de notre université. Le Vendredi saint de l’année

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