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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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policier.
    Paul enfonce sa clef dans la fente. Les portes s’écartent, il m’entraîne dans la cabine. Un barrage de pas avance vers nous.
    — Venez, venez…
    Les portes restent ouvertes. Pendant une seconde, je crains qu’ils n’aient coupé l’alimentation électrique de l’ascenseur. Mais les murs gris se referment au moment où un flic apparaît dans mon champ de vision. Impuissant, il tape du poing contre les battants métalliques tandis que la cabine s’ébranle.
    — Où va-t-on, maintenant ?
    — Sur la plate-forme de chargement, répond Paul, qui peine à retrouver son souffle.
    L’ascenseur nous dépose dans un petit vestibule. Paul doit forcer la porte qui donne dans un vaste hangar glacial. Il me faut un peu de temps pour m’habituer à l’obscurité. Je finis par distinguer la plate-forme. Dehors, le vent fait trembler le rideau de fer. J’imagine la course effrénée de nos poursuivants dans l’escalier ; mais la lourde porte ne laisse filtrer aucun son.
    Paul se précipite sur un commutateur fixé au mur. En tournant le bouton, il déclenche l’ouverture du rideau, qui couine en remontant péniblement sur ses rails.
    — Ça ira, dis-je lorsque l’ouverture est suffisante pour nous laisser passer sur le dos.
    Paul secoue la tête et le rideau poursuit son ascension.
    — Qu’est-ce que tu fais ?
    La vue du campus est saisissante. Je suis ému par la splendeur du panorama. Paul tourne le commutateur dans l’autre sens et le rideau amorce sa descente.
    — On y va ! hurle-t-il.
    Il se jette sous l’ouverture et je m’allonge maladroitement sur le dos. Paul roule sous le rideau, me tend la main, m’arrache de justesse à la morsure du métal.
    Je me relève, à bout de souffle. Je fais un pas en direction de Dod Hall, Paul me tire brusquement en arrière.
    — Ils peuvent nous voir de là-haut, dit-il en montrant les fenêtres de la façade ouest de l’immeuble. Allons plutôt par là. Vers l’est.
    — Ça va ? demandé-je.
    Nous plongeons dans la nuit. Sous le col de mon blouson, le vent rafraîchit la sueur qui me mouille le cou. Derrière moi, Dod et Brown Hall forment une masse noire, comme les autres résidences que nous devinons dans le lointain. L’obscurité a gagné tout le campus, Seules les fenêtres du musée restent violemment éclairées.
     
    Nous traversons Prospect Gardens, merveilleux petit jardin botanique planté au cœur du campus. Les pousses printanières ont pratiquement disparu sous un voile blanc, mais le cèdre du Liban et le hêtre d’Amérique, dont les branches s’affaissent sous la neige, se dressent au-dessus d’elles tels des anges gardiens. Une voiture de police patrouille dans une des rues latérales. Nous accélérons le pas.
    Mon esprit divague. J’essaie de comprendre, d’analyser ce que nous avons vu. Est-ce Taft que nous avons surpris là-haut, fouillant dans les affaires de Stein pour effacer toute trace du lien qui les unissait ? Est-ce lui qui a prévenu les flics ? En regardant Paul, je me demande si les mêmes pensées le taraudent. Son visage ne laisse rien transparaître.
    Nous approchons du département de musique, le centre Woolworth. Quelques notes éparses flottent dans le froid. Des étudiants profitent de la nuit pour y faire leurs gammes sans déranger personne. Je hasarde une suggestion.
    — Nous pourrions nous y réfugier en attendant que ça se calme.
    — Où ?
    — Dans les salles de répétition, au sous-sol.
    Une voiture de patrouille fonce en direction de Prospect, faisant gicler dans le tournant des gravillons et de la neige fondue. Je force l’allure.
    Les travaux de rénovation du centre Woolworth viennent de s’achever. Le nouveau bâtiment, débarrassé de sa gangue d’échafaudages, offre un contraste étrange, celui, d’une forteresse fragile et tout en transparence. Au rez-de-chaussée, s’incurvant comme une rivière, l’atrium traverse la bibliothèque et les salles de cours, et, trois étages plus haut, s’ouvre sur le ciel, cerné par le vent. Paul désamorce le verrou avec sa carte d’identité et me tient la porte.
    — De quel côté ? demande-t-il.
    Je le précède vers l’escalier le plus proche. Depuis son inauguration, Gil et moi sommes venus à Woolworth à deux reprises, chaque fois un samedi soir de désœuvrement, après avoir beaucoup bu. La seconde femme de son père tenait à tout prix à ce qu’il joue du Duke Ellington, tout comme le mien désirait

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