La règle de quatre
autres. Impossible d’évaluer l’échelle.
— Comment allons-nous faire pour mesurer les distances ?
Pour toute réponse, Paul continue à faire défiler les diapositives. Après trois ou quatre plans datant de la Renaissance, une carte plus récente s’affiche sur le mur. La ville ressemble davantage à celle que j’admirais sur les illustrations que mon père m’a offertes avant notre excursion au Vatican. La muraille fortifiée d’Aurélien au nord, à l’est et au sud, et le Tibre à l’ouest tracent le profil d’une vieille dame contemplant le reste de l’Italie. L’église Saint-Laurent, où Colonna fit exécuter les deux messagers, flotte au-dessus de l’arche du nez de la vieille femme.
— Sur cette carte-ci, les mesures sont exactes.
Paul me désigne l’échelle, en haut à gauche. Les noms des huit stades semblent courir sur une ligne unique. S’approchant de l’image projetée sur le mur, il plaque une main à côté de l’échelle. De la base de la paume à l’extrémité du majeur, elle couvre entièrement les huit stades.
— Commençons par le Colisée.
Il s’agenouille, place sa main à côté d’une tache ovale, au milieu de la carte, près de la joue de la vieille dame.
— Quatre sud, dit-il en déplaçant sa paume vers le bas, puis dix est.
Il étale sa main à droite sur la carte, ajoute deux phalanges.
— Et pour finir, deux nord et six ouest.
Son doigt s’est posé sur le mont Caelius.
— Tu crois que c’est là ?
— Non, répond-il, découragé.
Il me montre un cercle sombre, au sud-ouest de son point d’arrivée.
— Ici, c’est l’église San Stefano Rotondo. Un peu plus haut, à droite, la basilique des Quatre-Saints-Couronnés. Et là, en descendant un peu à l’est, on trouve Saint-Jean-de-Latran, accolée au palais où les papes résidèrent jusqu’au XIV e siècle. Si la crypte de Francesco était là, il l’aurait bâtie à moins de cinq cents mètres de trois églises monumentales. Impossible.
« Le cirque Flaminius. Cette carte est vieille. Il me semble que Gatti l’a placé plus près d’ici.
Il déplace son index, qui vient presque toucher le fleuve, puis répète les mouvements.
— Alors ? dis-je en fixant le point sur la carte, juste au-dessus du Palatin. C’est bon ou pas bon ?
Il fronce les sourcils.
— Pas bon. On se trouve à peu près au milieu de San Teodoro.
— Encore une église ?
— Oui.
— Pourquoi Colonna n’aurait-il pas construit sa crypte près d’une église ?
Il me regarde comme si je venais d’énoncer la pire des âneries.
— Dans tous les messages, il dit craindre comme la peste les fanatiques, les « hommes de Dieu ». Qu’est-ce que tu en conclus ?
Perdant patience, il essaie deux nouvelles possibilités : le cirque d’Hadrien et l’antique cirque de Néron, sur lequel se dresse le Vatican. En vain. Dans les deux cas, le rectangle de vingt-deux stades le conduit presque au milieu du Tibre.
— Il y a des stades partout, dis-je. Pourquoi ne pas penser d’abord à un emplacement possible de la crypte, puis revenir en arrière pour voir si on n’en trouve pas un à proximité ?
Il réfléchit un instant.
— Il faudrait que je consulte mes atlas à l’Ivy Club.
— On peut revenir demain.
Paul, dont l’optimisme s’émousse, contemple encore un instant le plan de Rome sur le mur. Puis, d’un geste, il me donne raison. Une fois de plus, comme le capitaine du port qu’il a jadis mené en bateau, Colonna nous a semés.
— On fait quoi, maintenant ?
Paul reboutonne son manteau et éteint le projecteur.
— Il faut que je descende dans le bureau de Bill. J’ai un truc à vérifier.
Il range le projecteur sur son étagère, soucieux de tout remettre en place.
— Pourquoi ?
— Pour voir si je ne peux pas trouver le fameux plan dont parlait Richard, et qui aurait dû se trouver dans le journal.
Il me tient la porte et jette un ultime regard à l’intérieur de la pièce avant de la verrouiller.
— Tu as la clef de la bibliothèque ?
Il secoue la tête.
— Bill m’a remis le code de la cage d’escalier.
À tâtons, je le suis au fond du couloir. Les signaux de sûreté orange clignotent comme des avions dans la nuit. Devant la porte qui donne sur la cage d’escalier, il hésite avant de composer la séquence sur un clavier à cinq chiffres qui déverrouille la poignée. Au moment où la porte s’ouvre, nous nous
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