La reine de Saba
Pas d’épouses délaissées qui veulent
se venger ?
— Oh
que si ! s’exclama avec enthousiasme Zacharias. Oh ! que si : de
grands complots et des décisions de Salomon qui montrent que David avait fait
le bon choix. La sagesse de notre roi était déjà grande en son jeune âge !
— Eh
bien, qu’attends-tu ? Raconte.
Alors,
sans s’embarrasser des voix enrouées d’Elihreph et d’A’hia qui relayaient de
leur mieux sa parole, Zacharias raconta et raconta. À sa manière, sans faire
l’économie des détails qui perdaient un peu Makéda dans leurs méandres mais
conféraient aussi à ses histoires le goût et les parfums du royaume de Salomon.
Ainsi il
raconta que oui, il y avait eu un fils ulcéré du choix de David. Il se nommait
Adoniyyahou, fils de Hagit, première épouse. Apprenant la décision de leur père
et comprenant qu’il ne monterait pas sur la mule royale, Adoniyyahou était
devenu dans l’heure l’ennemi mortel de Salomon.
De plus,
après l’avoir désigné, David avait légué deux difficiles conseils à son fils.
Il avait dit : « Joab fut mon général. Il fut grand et victorieux.
Mais il a commis des crimes atroces en les faisant passer pour miens. Il a
taché de sang innocent le ceinturon de mes reins et la sandale de mes pieds. Tu
seras sage de ne pas le laisser emporter ses cheveux blancs au shéol…»
— Le shéol ?
interrogea Makéda, de nouveau égarée par l’avalanche de mots nouveaux.
— C’est
le séjour souterrain où nous allons errer quand nous sommes morts, bredouilla
Elihoreph d’une voix pâteuse.
— Ah ?
Sans être squelette ni poussière ? Elihoreph tortilla sa barbe sur ses
genoux.
— Le
squelette demeure en terre pour la vue des vivants, devient poussière de la
poussière, mais le Tout-Puissant nous voit demeurer dans le shéol en l’état où
nous y arrivons.
Makéda
marqua un bref étonnement. D’un geste, elle incita Zacharias à poursuivre.
Zacharias
raconta. David avait encore dit à Salomon : « Purifie notre lignage.
Shimeï le Benjaminite a jeté des malédictions sur moi quand j’étais faible. Je
lui ai pardonné pour la paix du peuple quand j’étais fort. Je lui ai promis de
ne pas lui trancher la gorge. J’ai tenu ma promesse. Une promesse qui s’éteint
avec moi, tandis que sa malédiction glisse sur ta tête. Tu seras sage en ne la
laissant pas demeurer. »
— Voilà,
s’exclama Zacharias, à peine désigné, Salomon se trouvait face à un rude clan
d’ennemis. Ceux-là ne connaissaient qu’un désir : le jeter dans la
poussière, faire couler son sang et pousser Adoniyyahou sur le trône de
Jérusalem !
— Jérusalem ?
grommela Makéda.
A’hia
dodelina de la tête, marmonna :
— Jérusalem
est la cité bénie des Hébreux pour l’éternité. C’était la forteresse des
Jébuséens, mais David l’a faite sienne. Il y a construit son palais près de la
source Guihôn. Et Salomon y élève aujourd’hui le plus grand des temples.
— Ah !
scribe, ne peux-tu t’expliquer sans ajouter des noms aux noms ? Je ne veux
entendre que l’histoire de Salomon !
Alors
Zacharias poursuivit. Il raconta comment Joab, Shimeï et Adoniyyahou allièrent
leur méchanceté pour chasser Salomon du palais de David. Mais avant que leur
complot prenne forme, Salomon, mis au courant par sa mère Bethsabée, monta sur
la mule blanche. Sans tarder il alla recevoir une seconde fois l’oint royal de
la main du grand prêtre Sadoq et devant le peuple, ainsi que le veut la
tradition.
— Ce
fut fait comme l’éclair, mais en grande pompe, s’enthousiasma Zacharias. Il n’y
avait plus de doute, Salomon était le roi de Juda et Israël. Les trompes
sonnaient, l’huile du tabernacle brillait sur le front royal, le peuple
acclamait, les filles soufflaient de la flûte et les jours de fêtes
enchantaient la ville.
— Le
tabernacle ? soupira Makéda à l’adresse d’Elihoreph.
— Ce
serait long à expliquer, ma reine, soupira en retour le vieux scribe. Mais
c’est le plus précieux du précieux pour notre peuple.
— Bon.
Qu’il continue.
Alors
Zacharias poursuivit. Ah, la stupeur des mauvais en découvrant Salomon devant
la tente du sanctuaire ! Mais l’arrogance aveuglait leur discernement. Ils
se montrèrent d’abord sûrs d’eux et méprisants envers le jeune roi. Lui
réclamant d’être bien traités et jamais menacés, prenant à témoin le
Tout-Puissant, cherchant le pardon
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