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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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1
Maryab, palais Salhîm
    C’était une
aube fraîche. La pluie de la nuit maintenait des brumes épaisses, voilant
encore l’immensité de la plaine. Les dalles de la grande terrasse luisaient.
Ainsi que les jours précédents, Akébo le Grand s’était éveillé avant ses
serviteurs et tout le peuple du palais. On eût dit qu’Almaqah, le dieu de
toutes les volontés, veillait lui-même à ce qu’il soit debout pour le premier
rayon du soleil.
    Si cela
était, Akébo lui en rendait grâce. La saison des pluies s’achevait. Le baiser
du jour sur les murs de Maryab était redevenu un bonheur et un apaisement.
    Durant
cinq lunes, Almaqah avait fait gronder les orages. La foudre avait zébré sans
relâche les ciels obscurs. Les pluies avaient inondé les sols et gonflé les
wâdis comme si les larmes de l’univers entier s’y ruaient.
    Disciplinés
et infatigables, les hommes de Saba avaient accompli leur devoir. Courant d’une
digue à une vanne, renforçant les parapets et les môles, nuit et jour dégageant
les limons, déblayant les canaux, ils avaient apaisé la fureur des crues, la
canalisant vers les champs et les vergers. Une fois encore, la toute-puissance
d’Almaqah n’avait pas engendré la destruction mais la manne céleste de
l’ensemencement.
    À présent
c’en était fini. Depuis quelques jours, nuages, foudres et pluies se retiraient
sur les à-pics des montagnes qui cernaient la plaine de Maryab. Sous le feu de
Sham, dieu brûlant du soleil, le bleu du ciel reprenait la couleur de l’infini.
Le bonheur pouvait danser dans le cœur d’Akébo. Il avait assez vécu pour savoir
qu’il n’était pas de plus grande splendeur au monde que la caresse du soleil
sur les montagnes et les plaines de Saba. Le lever du jour était le cadeau
offert aux hommes sages par les dieux rassasiés.
    Serrant
son manteau de laine rêche sur son torse nu, il s’avança jusqu’à la murette de
pierre qui bordait la terrasse, à l’aplomb de la falaise ouest. La lumière
était encore timide. Aucune ombre ne se dessinait. L’humidité des dalles
étouffait le frôlement de ses sandales. Pourtant, lorsqu’il posa la main droite
sur les briques vernissées, les cornes des guetteurs retentirent.
    Dans les
tours de guet, en surplomb du palais et des murailles de la ville, on l’avait
vu. Les gardes soufflèrent trois feulements puissants. Ils annonçaient au
peuple de Maryab qu’Akébo le Grand était debout, les yeux ouverts sur son
royaume.
    Ses lèvres
frémirent de satisfaction. Sans lever le visage, il dressa haut la main gauche
en réponse aux guerriers de faction.
    Cette main
qu’il pointait vers les brumes, tous la reconnaissaient de loin. Une main qui
chauffait leur ardeur dans les combats. Une paume de fer avec seulement deux
doigts : le pouce et l’index. Entre ce pouce et cet index, nul ne
l’ignorait, Akébo pouvait briser le cou d’un homme aussi aisément qu’une cosse
de caroube.
    Le
feulement rauque des cornes se dissipa dans les lambeaux de brume. On eût cru
que le ciel se pliait, lui aussi, aux signes destinés aux serviteurs. Une
bourrasque se leva, venant de l’est. Elle repoussa la laine de l’humidité qui
stagnait entre les murs des jardins, dans les bosquets et le long des clôtures.
Encore laiteux, le soleil s’insinua entre les rouleaux de brume, les déchirant,
les écartelant jusqu’à ce que les doigts de Sham dorent enfin les tours du
palais, en étirent l’ombre sur les toits de la ville. Alors, les verts infinis
qui modelaient le plateau jusqu’aux contreforts des montagnes se déployèrent un
à un, sertis par les miroitements des canaux d’irrigation, ainsi que les pièces
innombrables d’un joyau à l’entrelacs d’argent.
    Akébo
plissa les paupières. La richesse de Saba s’éveillait.
    À l’entour
de la ville des hommes déjà poussaient des mules bâtées sur les chemins de
terre encore humides qui sinuaient entre les champs et les bosquets de
balsamiers, de cinnames et de lubâns. Ici et là, dans des enclos de roseaux et
d’oponces, se pressaient des troupeaux de chameaux à laine noire. Les toitures
de palmes des granges, fraîchement renouvelées, brillaient d’un vert tendre sur
l’ocre des murs de torchis.
    Dans
quelques heures le soleil lèverait les parfums, et jusqu’au soir même les
insectes danseraient à cette ivresse. Dans moins d’une lune, le peuple de Saba
commencerait les premières récoltes de feuilles d’aloès, aux sucs

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