La reine de Saba
signe, ce qui le surprit. Elle appela pour que l’on
serve au roi de Juda et Israël de quoi se rafraîchir. Les servantes apparurent
aussitôt avec les boissons et la nourriture, car tout était prêt pour lui
depuis longtemps.
Après quoi
elle ordonna :
— Qu’on
plie les tentes et prépare les montures.
3
Jérusalem
Ses
manières l’avaient surprise plus qu’elle n’avait envie de se l’avouer. Son
apparence aussi.
Elle
savait qu’elle s’était montrée soulagée de le retrouver, qu’il y avait du
plaisir sur ses traits, sa voix et peut-être même son corps. Elle n’avait pu le
masquer en entier, elle était satisfaite de le voir en vie, devant elle.
De retour
devant elle.
L’homme
qui revenait du combat n’avait plus l’âge de celui qui l’avait accueilli. Les
rides n’avaient pas disparu, mais la fatigue ne laissait pas de griffes
supplémentaires sous ses yeux. Son regard possédait une violence et une
franchise qu’elle n’avait distinguées ni lors de leur rencontre ni pendant le
festin près du puits d’Abraham et d’Agar.
Sa voix
elle-même possédait ce calme mesuré qui n’appartenait qu’à la puissance
accomplie et exercée.
Elle avait
vu aussi la tache de sang sur le bas de sa cape.
Elle
n’avait eu aucune question.
Salomon
réglait ses affaires. Elle en connaissait le prix. Elle était reine.
Pourtant,
quand elle s’était installée dans la litière, elle n’avait pu s’empêcher de
craindre un piège. La litière royale était somptueuse. Pour elle, qui n’en
avait jamais vu, une véritable découverte. Pour lui, un miel avec lequel il
avait coutume de prendre les guêpes ?
Elle avait
fait venir Tamrin. Il s’était approché sur son chameau noir, bel homme de Saba,
guerrier de la reine, dévoué à sa reine jusque dans le moindre de ses regards.
Jaloux peut-être.
— Tiens-toi
près de moi. Si je dors, que nul n’ouvre les rideaux, pas même le roi de Juda
et Israël.
La route
était longue, ils allaient vite. Trois fois, on avait changé les mules et les
chevaux afin qu’ils atteignent Jérusalem à la nuit.
Elle avait
dormi.
Lui aussi,
sans doute. Elle ne savait comment. Quand elle avait tiré les rideaux, il se
tenait droit dans son char. Le dos raide, la main tranquille sur le bronze. La
chevelure libre, sans or sur le front, bousculée par le vent. De temps à autre,
il passait une main dans sa barbe et plissait les paupières. Impossible de
deviner ce qu’il pensait.
À l’entrée
de Jérusalem, la nuit était là. Les murs de la ville se confondaient avec le
ciel, les roches des collines, les gris des oliviers et les feuilles lourdes
des figuiers.
Les
porteurs de torches leur firent une haie de cris et de vivats. On acclamait
Salomon. Elle vit son sourire quand il répondait. Une infinie fierté. Il était
le grand Salomon, le sage qui savait quand devait être versé le prix du sang.
Elle
songea qu’elle venait dans son cortège comme ces femmes que l’on ramène de la
guerre ainsi que du bétail. Il se servait d’elle, une fois de plus.
Pourtant,
lorsqu’ils furent devant le palais aux murs énormes entourant le nouveau
temple, il fit arrêter la caravane.
Il vint
devant la litière. Il fit savoir qu’il désirait entrer dans son palais au côté
de la reine de Saba.
Tamrin
transmit le message. Il semblait plus fatigué que le roi de Juda et Israël.
Elle accepta.
Elle parut
devant le peuple qui se massait sur l’énorme place, les visages jaunes et ocre
sous les flamboiements des torches. Il y eut un grondement quand elle tira les
rideaux de la litière et descendit les marches de l’escabeau qu’on avait
apporté.
Quand elle
fut à côté de lui, il désigna le collier des lettres de Saba qui couvrait sa
poitrine. Les flammes s’y reflétaient et lui illuminaient le visage. Il
déclara :
— Demain
le peuple de Jérusalem racontera que la reine de Saba possède un corps d’or et
que c’est la raison pour laquelle Salomon n’a d’yeux que pour elle. Le peuple
ne connaît jamais qu’une part des pensées de son roi. Et c’est tant mieux. Ta
beauté me ravit. Mais je sais qu’elle n’est qu’une écorce. Comme le Salomon du
peuple n’est que l’écorce du vrai Salomon.
Il avait
été sincère en lui avouant cela.
La route
depuis Bersabée n’avait pas effacé l’amertume et le dégoût qui lui revenaient
encore dans les chaos du char. La tête de Benayayou à ses pieds pesait encore
sur ses
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