La Reine Sanglante
Miracles ! »
Valois s’était mordu les lèvres jusqu’au sang pour étouffer le hurlement de jalousie qui lui venait contre Buridan.
Marguerite, pâle comme une morte, songeait :
« Oui, brûler Paris plutôt que de les savoir l’un à l’autre ! »
Et Marguerite de Bourgogne était la mère de Myrtille !
Et Charles, comte de Valois, était le père de Buridan !
*
* *
Ainsi, tous les intérêts vitaux et passionnés du roi, de la reine et de Valois se trouvaient concentrés sur la tête d’Enguerrand de Marigny, qui venait d’être appelé au Louvre pour y être arrêté !
Marigny pouvait seul sauver le trône de Louis Hutin.
Marigny pouvait seul sauver la passion de Valois et l’amour de Marguerite.
Ces trois êtres se jetèrent un long regard et sans doute se firent la même réponse. Car le roi, marchant rapidement à la porte derrière laquelle se trouvait Hugues de Trencavel, prononça quelques mots à l’oreille de son capitaine…
L’arrestation était contremandée !
*
* *
« Venez, madame la reine ! cria Louis Hutin d’une voix éclatante. Venez, comte de Valois ! venez Marigny ! écoutez tous, hommes nobles, vassaux, féaux, seigneurs !… »
Marigny, Valois et la reine étaient entrés dans la grande galerie.
Un silence effrayant pesa sur cette assemblée de rudes hommes d’armes aux éclatants costumes, encadrée par la haie des archers et les hallebardiers dressés tout le long des murailles. Louis promena son regard sur cette réunion à la fois éclatante et sombre, et d’une voix forte prononça :
« Nous avons la guerre !… »
À ces mots, une clameur énorme ébranla les murs de la vaste galerie, fit trembler les vitraux et se répercuta au loin à travers le Louvre, et jusque dans Paris.
Le silence enfin se rétablit peu à peu par grondements successifs.
« Ce n’est pas aux frontières que nous devons porter la guerre ! c’est dans l’Île-de-France, c’est dans cette ville ! c’est au centre de Paris ! Ducs, seigneurs, chevaliers, c’est la guerre de la monarchie contre la révolte ! c’est la guerre des hommes nobles contre les manants ! ce sont vos privilèges à défendre ! c’est montrône à sauver ! c’est la guerre de la cour de France contre la Cour des Miracles !…
– La Cour des Miracles ! »
Ce fut d’abord une sorte de murmure étouffé, un bruissement de colère et de terreur mêlés, puis cela monta, grandit comme les grondements du tonnerre à l’horizon, et enfin cela éclata dans un étrange cliquetis des épées tirées, dans un effroyable tumulte d’imprécations entrechoquées, dans un déchaînement de la haine de l’homme noble contre l’homme de révolte…
« Aux truands ! aux truands !
– Des fascines autour de la Cour des Miracles !
– Aux fourches, lesgueux !
– À la hart ! au feu ! au feu !… »
Alors l’effrayante nouvelle franchit le Louvre et se répandit dans Paris. Alors les boutiques se fermèrent, les bourgeois se cadenassèrent chez eux. Les chaînes furent tendues. Dans les rues, on ne vit plus que les patrouilles de cavaliers et d’archers. Des rumeurs sinistres se propagèrent à travers la ville avec la rapidité inconcevable dont semblent être animées toutes les nouvelles d’épouvante. Aux abords du Louvre, des compagnies se massaient. Dans le Louvre, on se préparait, on fourbissait les armes, et un conseil de guerre se tenait chez le roi.
Quatre mille hommes d’armes étaient prêts à marcher. Dans toutes les paroisses, le tocsin se mit à sonner.
C’était la guerre.
La guerre des seigneurs contre les mendiants !
Et partout, dans Paris, un nom volait de bouche en bouche, prononcé avec terreur, avec des malédictions, avec des menaces de mort.
Paris tout entier se dressait contre Buridan !…
*
* *
Et dans la Cour des Miracles, au fond de ce logis où Hans l’avait conduit, Buridan se trouvait seul, seul avec Myrtille. Et là, de ces deux êtres de jeunesse, de vie et d’amour, de ces lèvres balbutiantes qui se cherchaient, de ces regards qui s’étreignaient, c’était un chant de paix souveraine et de bonheur infini qui montait doucement, rythmé par le murmure de ces deux noms bégayés avec ivresse :
« Buridan !…
– Myrtille !… »
VII
OÙ CHACUN SE PRÉPARE À FRAPPER
Enguerrand de Marigny fit occuper fortement toutes les voies qui aboutissaient à la Cour des Miracles. Il était peut-être le seul
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