La Reine Sanglante
donne des hallucinations ?… Mais non !… Par saint Barnabé, voici la même lueur ! Oh ! oh ! voyons qu’est ceci ! »
Sur ce monologue, au lieu de se diriger vers la porte qu’il s’apprêtait à franchir, il s’approcha de la fenêtre et se mit à observer le jardin. Or, voici ce qu’il vit :
Dans le jardin, avec d’infinies précautions, une ombre allait et venait.
Cette ombre paraissait se livrer à ce jeu bien connu qu’on appelle colin-maillard, car elle marchait à tâtons, les bras étendu en avant.
Seulement, la main placée au bout d’un de ces bras tenait une lanterne. Cette lanterne était recouverte d’un manteau et l’autre main soulevait, de temps en temps, un coin de ce manteau et éclairait ainsi, par intermittences, la route à suivre.
C’était en découvrant ainsi sa lanterne que cette ombre avait produit des lueurs qui trahirent sa présence aux yeux exercés et sans cesse en arrêt de Lancelot Bigorne.
Cependant, un jet de lumière, mal dirigé sans doute, vint éclairer l’ombre mystérieuse en plein visage et une exclamation faillit s’échapper des lèvres de Bigorne :
« Simon !… Simon Malingre !… Tête et tripes ! que vient faire ici ce fruit de potence ? »
Cependant Simon Malingre avait déposé à terre sa lanterne et, accroupi dans un coin du jardin, au pied d’un arbre, il creusait le sol avec une courte dague dont il paraissait s’être muni à cette intention et qu’il maniait avec une assurance et une agilité qui dénotait une certaine habitude.
Il s’était agenouillé et retirait avec ses mains la terre qu’il déposait méthodiquement au bord du trou, qui devenait plus profond.
Enfin ses doigts rencontrèrent un corps dur, un coffre, sans doute ce qu’il cherchait, car il eut un de ces minces et pâles sourires qui le rendaient plus hideux, et tandis que sa poitrine se soulevait en un vaste soupir de soulagement, il murmura sur un ton de jubilation profonde :
« Il est là ! »
Et soudain, ne pouvant plus maîtriser l’angoisse terrible qui l’étreignait, il s’écroula sur le coffret qu’il ouvrit avec une précipitation rageuse.
Alors, certain que son trésor était au complet, et à l’abri de toute visite indiscrète, il ferma le coffre joyeusement et remit proprement, méthodiquement, la terre dans son trou jusqu’à ce que le trou fût comblé : puis il piétina soigneusement la terre à cet endroit, et tranquille désormais, mais non sans force soupirs de regret, il s’éloigna.
Lancelot Bigorne le vit partir sans faire un geste ; il se contenta de murmurer ironiquement :
« Tu peux partir, ça m’est égal, je sais bien où te trouver à présent ! »
Puis il attendit un bon moment pour être bien sûr que Simon ne reviendrait pas sur ses pas, et, quand il jugea avoir suffisamment attendu, il sortit de sa cachette et se dirigea tranquillement vers l’endroit que venait de quitter Simon et non moins tranquillement, à son tour, il se mit à creuser la terre, ce qui fut vite fait, Simon lui ayant facilité la besogne.
Lorsqu’il eut déterré le coffre, Lancelot le mit sous son bras, non sans une grimace de satisfaction, et réintégra l’intérieur de la maison en disant :
« Décidément, c’était écrit ! Je suis né pour trouver des trésors !… »
XXX
GILLONNE PARLE
En quittant la Courtille-aux-Roses, Simon Malingre se dirigea tout droit vers le Temple, situé à côté, comme nous l’avons indiqué, dans l’intention de rejoindre son maître, le comte de Valois.
L’affreux petit homme débordait d’une joie délirante.
Il se frottait les mains frénétiquement et murmurait :
« Allons ! allons ! c’est dit… je suis encore plus riche que je ne pensais moi-même. Demain j’enlève mon or, j’enfourche un bon cheval, il n’en manque pas dans les écuries de mon maître, et… bonsoir, monseigneur ! débarbouillez-vous comme vous pourrez. »
Par des chemins détournés qui lui étaient familiers, il gagna les appartements du gouverneur et se disposait à entrer dans la chambre de son maître lorsque son propre nom prononcé par une voix connue vint l’arrêter net.
Il ouvrit sans bruit la porte, et, dans l’entrebâillement caché par une tenture qui pendait de l’autre côté, il écouta, retenant sa respiration, la sueur de l’angoisse au front.
Gillonne parlait à Valois de son air doucereux.
« Oui, monseigneur, Simon Malingre est indigne de vos
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