La Reine Sanglante
trompé. »
Louis demeura quelques minutes pensif, puis il ajouta :
« Que s’il est pris bientôt, j’entends qu’on me l’amène ici, tu entends, et qu’on ne lui fasse pas de mal.
– Bien, Sire ! » dit Valois, étonné.
« Lui me consolera peut-être ! » songeait Louis.
Et Valois, de son côté, pensait :
« Sois tranquille, roi imbécile, on ne lui fera aucun mal ; le coup de poignard qui lui sera appliqué le tuera net et sans souffrance !… »
« Sire, reprit-il, si le roi le veut bien, il est temps maintenant que je regagne mon poste au Temple. Car nous y avons des prisonniers d’importance : le félon Marigny, sans compter ce Gautier d’Aulnay, et je tremble toujours qu’en mon absence…
– Va, mon bon Valois, va… »
Le comte s’inclina avec un sourire de haine satisfaite. Valois qui, après sa conversation avec Stragildo, était venu au Louvre pour voir ce qu’il adviendrait de Marguerite, Valois, rassuré, avait hâte maintenant de regagner le Temple, car l’heure approchait où il devait monter à Montmartre. Il salua donc Louis X et se dirigea vers la porte.
Il se retira en souriant. Louis X demeura seul avec ses pensées funèbres et son immense désespoir : il commençait à mourir…
XL
LES PARCHEMINS DE STRAGILDO
Nous ramènerons, à présent, le lecteur à la Courtille-aux-Roses où nous retrouvons Buridan, Lancelot Bigorne, Guillaume Bourrasque et Riquet Haudryot. On n’a peut-être pas oublié comment Bigorne était devenu, comme il disait, l’héritier de Malingre et de Gillonne, c’est-à-dire comment, en réalité, il s’était emparé du trésor de ces deux sacripants. On se souvient peut-être aussi que Buridan, à la vue de ce trésor, avait conçu le dessein d’employer cette masse d’or à séduire Stragildo, enfermé dans les caves de la Courtille ; et, qu’au grand désespoir de Bigorne, il s’était élancé vers lesdites caves.
Buridan n’avait plus trouvé Stragildo.
Stragildo s’était évadé !
Remettant donc au lendemain les décisions nouvelles qu’il y aurait à prendre, les quatre compagnons s’occupèrent aussitôt de la situation que leur créait la fuite de Stragildo.
Le plus urgent était de quitter séance tenante la Courtille-aux-Roses.
Bigorne montra une masure qui se dressait juste en face de la Courtille-aux-Roses :
« Nous irons là, pas plus loin. Vous ne savez rien voir, rien regarder. Moi, je regarde et je vois ! Et j’ai vu que ce logis n’est pas habité par âme qui vive et qu’il fera très bien notre affaire pour le moment. »
Ils se hissèrent dans ladite grange, s’y cherchèrent chacun un coin pour dormir, et, bientôt, roulés dans leurs manteaux, se mirent à ronfler, à l’exception de Bigorne qui ne dormait que d’un œil et s’était installé près d’une lucarne d’où il pourrait au besoin surveiller la route et la Courtille.
Vers le matin, Bigorne fut réveillé par un bruit étrange qui se faisait sur la route. Il allongea le nez à la lucarne, et, aux premières lueurs du jour, il vit une troupe nombreuse de cavaliers qui mettaient pied à terre devant la Courtille.
Bigorne rampa sans bruit jusqu’à Buridan, le réveilla, et lui montra la lucarne vers laquelle se dirigea aussitôt le jeune homme.
Les gens de Valois n’ayant rien trouvé dans la Courtille-aux-Roses s’en retournèrent et Stragildo conseilla au comte de faire immédiatement fermer les portes de Paris jusqu’au soir.
Lorsque le jour fut tout à fait venu, lorsque Buridan fut certain que les sbires de Valois étaient bien partis, il comprit que la Courtille-aux-Roses cesserait sans aucun doute d’être surveillée.
Il descendit donc de la grange et rentra dans l’ancien logis de Myrtille.
Sans faire d’observations, les compagnons de Buridan le suivirent dans la Courtille-aux-Roses, déclarant d’ailleurs que le grenier de ladite Courtille leur semblait un paradis en comparaison de la grange ouverte à tous les vents et dont le plancher menaçait de s’écrouler sous eux.
« Quelle heure peut-il être ? demanda Bigorne en remettant les pieds dans le grenier.
– L’heure de dîner, sans nul doute ! répondirent d’une seule voix Guillaume et Riquet.
– Lancelot ! dit à ce moment Buridan qui semblait réfléchir à on ne savait quoi.
– Monseigneur ? dit Bigorne, en s’avançant.
– Tu vas te rendre à Montmartre, tout de ce pas, tu verras à l’entrée du hameau
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