La Reine Sanglante
qu’il avait reçu sur le crâne. Et comme Guillaume s’approchait de lui, il vit que Riquet avait ses deux pieds posés tranquillement sur un homme d’armes qui portait dans le flanc, au-dessous de la cuirasse, une dague enfoncée jusqu’à la garde.
« C’est lui qui a voulu m’assommer », expliqua Riquet.
Quant à Bigorne, il s’occupait à ficeler un homme qui était sans doute évanoui, car il ne bougeait pas…
Buridan, sombre, la face ravagée, regardait au loin, dans la direction par où Valois avait disparu. Un soupir gonfla la poitrine du jeune homme ; il murmura :
« Je mourrai peut-être, mais je ne serai point parricide ! »
Chassant d’un effort ces funèbres pensées, il se retourna vers ses compagnons : il vit alors Guillaume qui, ayant bandé son épaule tant bien que mal, s’occupait à rassembler quatre chevaux dont les cavaliers gisaient à terre. Trois autres avaient fui, en y comprenant Valois.
« Là, mon brave, disait Lancelot Bigorne, de cette façon, tu ne remueras plus. Bonne prise, seigneur Buridan ! »
Buridan se pencha sur l’homme que Lancelot venait de garrotter et, à la faible lueur des étoiles, il le reconnut.
« Stragildo ! gronda-t-il, d’une voix qui eût fait frissonner le gardien des fauves si celui-ci avait pu entendre.
– En personne ! dit Bigorne.
– Est-il donc mort ?…
– Mort ? Non. Du moins je l’espère, par saint Barnabé !
Buridan examinait Stragildo avec une sorte d’inquiétude.
– Il vit, dit-il. Bon. Tout va bien ! »
« Hum ! songea Bigorne, il me paraît que maître Buridan réserve à notre ami Stragildo quelque agréable surprise !… Je ne voudrais pas être dans sa peau. »
« Que comptez-vous en faire ? ajouta-t-il à haute voix.
– Je t’ai dit que j’avais une idée, quand je suis descendu dans les caves de la Courtille-aux-Roses et que je me suis aperçu que cet homme avait fui.
– Une idée ? À quel sujet ?…
– Au sujet de Philippe et Gautier. Eh bien, cette idée, nous allons tâcher de la réaliser.
– Expliquez-la-moi, fit Bigorne inquiet.
– Plus tard. Il faut songer que Valois va rassembler tout ce qu’il a de cavaliers disponibles et que, dans une heure, nous aurons une armée sur les bras. En route ! »
Aidé de Guillaume et de Riquet, Bigorne souleva Stragildo et le jeta comme un sac en travers de l’un des chevaux capturés. Puis, Buridan en tête, Bigorne tirant le cheval de Stragildo, Guillaume conduisant les trois autres par les brides, Riquet tout geignant fermant la marche, ils remontèrent. Buridan pénétra dans la chaumière.
Mabel et Myrtille, prêtes à tout événement, ne s’étaient pas couchées.
« Nous partons, dit le jeune homme.
« Nous voici », répondirent les deux femmes.
Les quatre chevaux capturés et amenés par Guillaume furent ainsi distribués : un pour Mabel, un pour Myrtille, un pour la fortune de Mabel ; le quatrième portait Stragildo.
Devant deux ou trois paysans qui levaient les bras au ciel, la troupe se mit en marche et s’éloigna en bon ordre vers Montfaucon, c’est-à-dire vers le point opposé à celui où elle voulait se rendre.
Arrivés au pied de la montagne, les fugitifs la contournèrent par-derrière, c’est-à-dire à peu près par cette ligne que suit la rue Caulaincourt.
Il n’y avait pas une heure qu’ils s’étaient éloignés, que selon les prévisions de Buridan, deux cents cavaliers, conduits par Valois en personne, arrivèrent au hameau de Montmartre, réveillant les habitants et les menaçant de mort s’ils ne révélaient la route qu’avait prise Buridan.
Tout naturellement, les paysans désignèrent Montfaucon et Valois se lança dans cette direction. Au matin il rentra au Temple, n’ayant rien trouvé, bien entendu, persuadé que la bande avait dû chercher un refuge dans Paris même.
Buridan et ses compagnons étaient arrivés au hameau du Roule ; pourvu d’une auberge qui, toute misérable qu’elle était, suffit pourtant à hospitaliser les fugitifs. Une fois Mabel et Myrtille installées, Buridan se rendit dans la chambre où Stragildo avait été déposé.
Stragildo était revenu à lui.
Bigorne se mit à fouiller le prisonnier. Sous la jaquette, dans une poche de cuir cousue à l’intérieur du vêtement, il trouva deux papiers qu’il déplia.
Stragildo écumait de rage.
« Oh ! oh ! s’écria Bigorne, le sceau royal ! Voyez donc, seigneur
Weitere Kostenlose Bücher