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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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Jésus-Christ.

VENDREDI 8 JUIN 1565
    Mdina
    DANS LA CHALEUR ÉTOUFFANTE du jour qui déclinait, les rues tortueuses de Mdina rappelaient Palerme à Tannhauser. Les maisons étaient grandes, dans le style normand mais tristes, comme si elles avaient été construites par des gens qui craignaient trop leur propre importance. Au bout d’une ruelle aveugle qui donnait dans la rue Ferdinand, il trouva, comme indiqué, la casa Manduca. Il frappa et un majordome aux cheveux gris et au teint cireux qui avait peut-être soixante ans lui ouvrit la porte. Il portait un manteau bleu foncé en velours, sur lequel on avait récemment épongé des taches. Il avait l’aspect et l’odeur de quelqu’un qui quittait rarement le bâtiment. Il s’inclina comme si cela lui faisait mal au dos. Il fixait la poitrine de Tannhauser sans chercher à croiser son regard. D’étranges serviteurs servent d’étranges maîtres et Tannhauser se demandait ce qu’il allait trouver à l’intérieur.
    « Capitaine Tannhauser, dit-il, pour don Ignacio. »
    Le majordome le mena dans un hall où des lampes tremblotaient en éclairant de lugubres portraits de famille et des descriptions de martyrs dont aucun, aux yeux de Tannhauser, n’avait de grand mérite artistique. Ils passèrent devant un escalier obscur et un certain nombre de portes closes. Les tapis sous leurs pieds étaient mangés par les mites, les meubles austères et aussi lourds que le bâtiment lui-même. On aurait dit un mausolée, construit pour enterrer un fantasme de grandeur perdue. C’était ici que Carla avait grandi. Dans une tombe de piété provinciale, sombre et suffocante. Il imagina son tout jeune esprit se battant pour s’envoler de cette prison. Le sien étouffait déjà au bout de vingt pas. Il ressentait de la pitié pour la jeune fille qu’elle avait été et comprenait mieux les entraves qui la marquaient en tant que femme. Tannhauser n’était pas surpris qu’elle ne soit jamais revenue, et sa tendresse envers elle se fit plus profonde. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’en envoyant sa fille en exil, quelle que soit la cruauté du geste, don Ignacio lui avait rendu service.
    Le majordome ouvrit une double porte laquée et se tint sur le côté, sans l’annoncer. L’air étouffant qui en sortit sentait le renfermé et une puanteur saturée d’urine, de flatulences et de pourriture s’en dégageait. Il emplit Tannhauser d’une irrésistible envie de fuir – fuir la solitude, le désespoir, la vie prolongée à un prix qui ne la valait pas. Il regarda le majordome. Même habitué comme il l’était forcément, le serviteur arborait l’expression d’un homme qui essaie de retenir une nausée intolérable. Il s’inclina et fit signe à Tannhauser d’entrer seul. Regrettant de ne pas avoir en main un brin de romarin à coller sous ses narines, Tannhauser entra comme s’il avançait dans un bain de vomi, et le majordome ferma les portes laquées derrière lui.
     
    UN PROFOND FAUTEUIL prolongé d’un repose-pieds était placé dans la lumière que dégageait un grand feu de bois. Dedans, un homme était assis, son crâne aussi chauve et pâle qu’un asticot. Il était enveloppé dans une robe de chambre aux revers de fourrure, d’une couleur qui apparaissait brune à la lueur du feu. Un des revers de sa robe était couvert de mucosités provenant soit de la fente exsangue qui lui tenait lieu de bouche, soit de l’énorme lésion qui distordait ses lèvres et envahissait sa joue droite. Tannhauser n’aurait su le dire. La barbe blanche de l’homme était maculée et collée également. Le corps contenu dans la robe apparaissait aussi desséché qu’une plante privée d’eau, et les mains étiolées qui dépassaient des manches étaient constellées de grosses taches marron. Les yeux qui le scrutaient étaient noirs, avec des cercles jaunes autour des iris. Tannhauser n’aurait pas su dire si l’homme voyait bien, mais il sentait qu’il ne percevait guère plus que la lueur du feu. C’était don Ignacio Manduca. Tannhauser décida qu’il serait prématuré de se présenter comme le futur gendre de don Ignacio.
    « Ne vous alarmez pas de mon affliction », dit don Ignacio. Il parlait italien avec l’accent local. Sa voix ne tremblait pas, ultime manifestation d’une force qui s’accrochait tout juste à l’existence. « Elle m’a été envoyée par Dieu pour me punir de mes péchés. Si je

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