La Révolution et la Guerre d’Espagne
puissance : après s’être contentée de soutenir le
système de l’extérieur, elle a accepté de participer au gouvernement. Il est
vrai qu’il a été question à plusieurs reprises d’une libéralisation du régime,
que les frontières se sont ouvertes plus librement, qu’un certain nombre d’exilés
politiques ont pu rentrer. Mais, pour l’essentiel, le système reste immuable.
Car ce régime issu du conservatisme politique le plus pur n’a pu résoudre ses
problèmes économiques.
Endettée, appauvrie, l’Espagne a perdu au cours de la guerre
une partie du cheptel qui faisait sa richesse. Par rapport aux chiffres de
1935, il n’y a plus en 1939 que 60 % des chevaux, 72 % des mulets, 73 % des
bovins. Pour les récoltes, la baisse de production, calculée sur les mêmes
années, est de 30 % environ pour le blé, 35 % pour l’orge, le tabac et l’olive [516] , de 65 % pour la
betterave ; si la production de maïs a augmenté, c’est qu’il s’agit d’une
année exceptionnellement bonne. Dans les productions essentielles, la baisse
est flagrante et correspond à une diminution des surfaces cultivées [517] . Malgré l’effort
réalisé des deux côtés en faveur de l’industrie, la production a également
diminué, en particulier dans le textile. Même la production minière a baissé
pour le fer, le cuivre, le plomb, le zinc [518] .
La prospérité apparente de l’Espagne nationaliste a fondu au fur et à mesure
que le gouvernement de Franco a dû prendre en charge les régions surpeuplées et
mal ravitaillées de Barcelone, de Madrid et du Levant. Dès la chute de
Barcelone les difficultés de ravitaillement ont commencé : le pain blanc
des années de guerre est remplacé par du pain gris.
L’Espagne devrait se procurer à l’extérieur une partie de
son approvisionnement. Mais comment vivrait alors ce pays agricole ? Aussi
le régime franquiste cherche-t-il à pratiquer l’autarcie, comme l’U. R. S. S.
ou l’Allemagne. Cependant, ce qui est possible, au prix d’importants
sacrifices, à de grandes puissances ne l’est pas au XX e siècle pour
un pays sous-développé comme l’Espagne.
Malgré les privations imposées, le maintien d’un niveau de
vie extrêmement bas, l’intense propagande sur la « Patrie espagnole »
et l’Empire ibérique, le gouvernement du général Franco n’a bientôt le choix qu’entre
deux orientations : ou suivre l’Allemagne et l’Italie, lier le sort de l’Espagne
au leur, ou essayer de gagner l’amitié de certaines puissances occidentales, en
particulier la Grande-Bretagne. D’un côté jouer la reconnaissance pour l’aide
reçue, pendant la guerre civile, la communauté d’idéologie, éventuellement la
satisfaction de certaines ambitions politiques ; de l’autre, le besoin de
paix, l’influence anglophile du Portugal.
Les engagements pris par Franco à la fin du conflit
paraissent prouver qu’il a alors choisi l’alliance avec le fascisme et le
nazisme. L’adhésion au pacte Antikomintern en est la garantie. La place prise
par Suñer dans la politique, extérieure de l’Espagne semble, en dépit des
réserves qu’ont pu formuler les Allemands à son égard la preuve de l’orientation
très germanophile de la politique franquiste. Mais, dès le lendemain de la guerre
civile des incidents se produisent, qui permettent de mesurer les limites que
le Caudillo entend imposer à ses engagements internationaux. On a vainement
tenté d’organiser une rencontre Gœring-Franco, et l’échec de ce projet
provoque, au lendemain même de la victoire commune une première tension entre
les deux pays. Plus tard la rencontre entre Franco et Hitler, après la victoire
allemande en France, représentera une nouvelle déception pour le chancelier
nazi. Sans doute les opinons de Suñer n’ont elles pas changé et l’Espagne
reste-t-elle favorable à une victoire germanique ; mais l’envoi de la
légion Azul sur le front de l’Est [519] sera le seul témoignage positif de cet attachement. Les efforts faits pour
détacher le Portugal de l’alliance anglaise restent vains et la perte d’influence
de Suñer exprime une évolution. Certes, les espagnols peuvent considérer que
Franco a rendu service à son pays, au lendemain d’une guerre Civile épuisante,
en le tenant à l’écart du conflit mondial. Mais sans doute l’objectif recherché
était-il seulement la stabilité du régime, finalement sauvé au lendemain de la
guerre par
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