La Révolution et la Guerre d’Espagne
d’aliments
aux querelles de l’exil.
Ces accueils difficiles, intéressés ou malveillants, ne font
que mieux ressortir la bonne volonté et la générosité dont a fait preuve le
gouvernement mexicain, qui a librement ouvert ses frontières à tous ceux qui
désiraient trouver refuge dans le pays [514] .
Avec l’exil, s’ouvre l’ère des controverses. Certes, il y a
longtemps que les partis républicains ne cherchent plus à cacher leurs
désaccords. Du moins ont-ils fait semblant, tant qu’a duré la guerre, de croire
à l’unité dans un combat contre un adversaire commun, le franquisme. Avec la
défaite, ce lien a disparu. Au contraire, politiques et militaires se
retrouvent face au désastre qu’ils doivent expliquer. L’heure est aux
justifications. La censure et le souci d’empêcher l’adversaire d’exploiter les
dissensions du camp républicain ont dissimulé bien des divergences au grand
public ; mais la défaite fait disparaître les scrupules de cet ordre et
les discussions se font âpres entre les alliés de la veille à l’intérieur même
des partis, qui connaissent dans l’émigration des scissions plus ou moins
profondes, plus ou moins durables.
Les querelles entre émigrés sont toujours pénibles ; du
moins ici s’expliquent-elles par la persistance des illusions sur les
« démocraties » chez la plupart des dirigeants politiques de l’exil,
et l’espoir entretenu pendant des années de faire s’écrouler de l’extérieur le
régime de Franco. Bien sûr, ni l’activité politique des « gouvernements en
exil », ni même les guérillas qui se maintiennent ou apparaissent encore
plusieurs années après la fin de la guerre civile ne justifient à elles seules
leur confiance dans « l’avenir de l’émigration » ; mais chacun
sait qu’au lendemain de la guerre mondiale, les puissances occidentales
peuvent, si elles le désirent, renverser Franco, pour qui la victoire militaire
n’a été que le début de difficultés économiques et politiques sérieuses…
L’Espagne après la guerre
Quoi qu’il en soit, au mois de mars 1939, tout ce qui reste
de la zone républicaine est occupé en huit jours. Franco a annoncé une
offensive pour le 26 mars ; mais il n’a plus en face de lui de force
organisée. Ce n’est plus un combat, mais une simple occupation de positions
abandonnées. Les nationalistes auraient pu faire immédiatement leur entrée dans
Madrid. Ils ont attendu quelques heures pour donner à la prise de possession de
la ville plus de solennité. C’est dans Madrid, symbole de la résistance républicaine
et capitale retrouvée de l’Espagne, que se déroulera le défilé de la victoire,
sur l’avenue de la Castellana. Honneur est rendu aux alliés italien et
allemand, dont les troupes sont placées en tête du cortège. Partout ailleurs l’occupation
se poursuit sans difficulté, au milieu des acclamations et des cérémonies
religieuses.
Le Caudillo n’a pas fait les gestes de réconciliation que
certains, dans le camp adverse, attendaient de lui : la répression n’a pas
cessé avec sa victoire. L’application de la loi sur les responsabilités
politiques, l’installation des conseils de guerre dans toute l’ancienne zone
républicaine ont au contraire renforcé les mesures de réaction. Arrestations et
condamnations se multiplient. Il s’agit, selon Ciano, « d’une épuration
sérieuse et très rigoureuse ». Le modérantisme n’est pas considéré comme
une circonstance atténuante ; Besteiro, qui a voulu épargner ces violences
à l’Espagne, est lui-même condamné à trente ans de prison [515] . Des dizaines de
milliers de prisonniers attesteront pendant les années la puissance de l’État
Nouveau. L’armée, la police et la milice phalangiste assurent la stabilité d’un
régime « fort ». A tous, on inculque la haine de la « révolution
rouge » et même d’un système libéral condamné par l’Église. Si certains
phalangistes gardent l’espoir de voir triompher un jour le régime
national-socialiste, qui signifierait peut-être un progrès social, si certains
« libéraux » en viennent, par hostilité au régime, à souhaiter l’avènement
de la monarchie, dont tout indique pourtant qu’elle garderait un caractère
absolutiste, les véritables vainqueurs – et ceci est chaque jour plus clair –
sont l’Armée et l’Église. L’Accion catolica n’a pas tardé en effet à
retrouver toute sa
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