La Révolution et la Guerre d’Espagne
plus ni armée, ni autorité. Du 27 au 30 mars, c’est
la course éperdue vers la mer de tous ceux, qui, restés jusqu’au dernier
moment, tentent d’échapper à l’ennemi.
La Junte tient sa dernière réunion le 27 au soir : tout
est fini. Carrillo et d’autres conseillers partent pour Valence dans la nuit.
Casado, qui voulait diriger l’évacuation de Madrid pendant les jours suivants,
les y précède finalement en avion. Des bandes de jeunes gens arborent les
insignes nationalistes et scandent dans les rues le nom de Franco. Ce qui reste
d’autorité en Espagne républicaine s’emploie à assurer la transmission
pacifique des pouvoirs : ainsi à Valence, où les conseillers traitent avec
un représentant de la cinquième colonne. Casado annonce cet accord à la radio
pour essayer d’obtenir le calme. Le 29 au soir, le général Miaja a quitté l’Espagne.
Casado et ce qui reste de conseillers autour de lui prennent place, après de
longues discussions, sur le Galatea, bateau de guerre anglais. Les
nationalistes n’ont pas cherché à les en empêcher. Mais ils arrêtent Besteiro,
resté à Madrid, et Sanchez Requena, à Valence. Ici ou là, quelques centaines de
combattants se font tuer ou se donnent la mort. Des centaines de milliers ont
abandonné le front, mais le plus grand nombre est finalement pris. La
domination de Franco s’étend à toute l’Espagne. La guerre civile est terminée.
Épilogue
Il est impossible de donner le nombre exact des réfugiés qui
ont quitté la zone centrale dans la deuxième quinzaine de mars pour la France
et l’Afrique du Nord. Dans son réquisitoire contre Casado, Alvarez del Vayo dit
que 2 000 seulement sont partis, quand 30 000 auraient dû pouvoir le faire,
mais son argumentation repose sur le postulat suivant : le gouvernement
Negrín aurait joui d’une autorité supérieure à celle de la Junte Casado ;
ce qui est douteux. L’aide dont les républicains avaient besoin aurait dû être
à la fois rapide et massive ; les gouvernements anglais et français n’ont
pas répondu comme on l’espérait aux appels de Madrid. Le gouvernement français
notamment, qui a déjà accueilli les réfugiés basques et catalans, se montre
aujourd’hui très réticent : peu de bateaux français se rendront à l’appel
des républicains ; beaucoup d’hommes devront s’enfuir au dernier moment à
l’aide de moyens de fortune.
L’exil
Pour tous ces réfugiés commence alors la terrible épreuve de
l’exil. En Afrique du Nord et en France, ils sont internés dans des camps où
ils connaissent des conditions matérielles et morales très dures en attendant l’accueil
d’un pays étranger ou l’autorisation de demeurer en France. Sans enthousiasme
et sans élégance, les autorités françaises ont néanmoins accordé l’asile que
leur demandaient les républicains vaincus. Elles n’opèrent aucune
discrimination politique. Mais la guerre de 39 renverra une bonne partie de ces
réfugiés dans les camps. Et le gouvernement Pétain acceptera de les livrer à l’Allemagne :
plusieurs milliers d’Espagnols [513] connaîtront ainsi la déportation et les « camps de la mort ». D’autres,
fort nombreux, en particulier dans le Sud-ouest, participeront à la Résistance
des « maquisards » français.
Les États-Unis, dont la population a, dans sa majorité,
condamné le franquisme, n’acceptent pourtant qu’un contingent très faible de
réfugiés.
De son côté, l’U. R. S. S. réserve à ses partisans espagnols
une pénible déception. Certes, le gouvernement russe accepte d’en recevoir un
grand nombre, mais, s’il offre à certains dirigeants du P. C. espagnol des
conditions de vie privilégiées, les autres, placés dans des conditions de vie
nouvelles, dans un pays étranger par la langue et par l’esprit, vont se trouver
en butte à de grandes difficultés. Non seulement ils ne trouvent pas dans la
Russie de 39 le paradis promis par leurs dirigeants, mais ils sont souvent
dispersés, isolés, placés dans des conditions de travail rendues encore plus
pénibles par le climat, difficile à supporter pour des méditerranéens. Les
témoignages que nous possédons sur leur sort peuvent être soupçonnés de
partialité puisqu’ils émanent d’anciens communistes ayant rompu avec leur
parti ; ils n’en font pas moins comprendre le désenchantement qui, pour
certains, se transforme en une hostilité systématique et donne un regain
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