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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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petit,
le regard de la Sibylle s’embua de larmes, elle ressemblait à une petite fille
maintenant. Avait-elle su que ce moment allait arriver ? Il avait
l’impression de se trouver en un autre monde, de ne plus être lui-même. Son
cœur battait la chamade.
    — Marie-Adélaïde. Je ne sais
pas si…
    Il aurait voulu lui dire que
rien de tout cela n’était prudent ni raisonnable, qu’ils étaient tous les deux
recherchés par les Comités, la garde nationale et par les sbires de Vadier, que
les frères de l’ombre le tueraient sans doute. Il aurait voulu lui dire aussi
que, naguère, lorsqu’il était très jeune, il avait déjà aimé, qu’il s’était
marié mais que son implication dans la bureaucratie révolutionnaire avait brisé
ce mariage, qu’il n’éprouvait plus depuis qu’indifférence pour les personnes du
sexe opposé. Que sa vie ne pouvait être partagée par une femme, qu’il ne
pourrait pas la rendre heureuse, que…
    Mais il ne dit rien et se contenta
de rapprocher ses lèvres de celles de Marie-Adélaïde.
    Pour quelques instants, pour un
court moment de répit, comme volé au temps, Paris allait enfin cesser sa course
incessante, dans la semi-obscurité du cabinet de la voyante, rue de Tournon.
     
    Ils reposaient tous les deux
dans la petite alcôve. Elle se blottissait dans ses bras et il avait
l’impression d’avoir une enfant contre lui. Cela avait été bref, merveilleux.
Jamais avant elle une femme ne s’était ainsi abandonnée sous ses caresses.
Pourtant, très vite, après ce court éblouissement, la réalité lui revint à
l’esprit.
    Dormait-elle ? Sa poitrine
se soulevait régulièrement, mais cela ne voulait rien dire.
    — Je peux te demander quelque
chose ?
    Un souffle lui répondit :
    — Oui ?
    Cela, tu l’avais prédit ?
Je veux dire, avant de m’avoir tiré les cartes.
    — Oui, je savais que cela
allait arriver.
    — Et tu t’es donnée à moi
uniquement parce que tu savais que cela allait arriver ?
    Elle répondit plus
vivement :
    — Non, Gabriel. Pas cela, je te
l’assure. Je l’ai fait parce que je t’aime et pas pour autre chose.
    — Mais tu n’aurais pas pu faire
autrement, n’est-ce pas ?
    Un sanglot résonna dans le lit
à côté de lui :
    — Non.
    Il la serra plus fort. Une
larme avait coulé sur sa poitrine.
    — Et cet amour, tu sais combien
de temps il durera ? Je suppose que l’amour lié au cercueil ne signifie
rien de bon.
    Un long silence suivit.
Allait-elle parler ? Il s’en voulait de lui poser ces questions mais il
devait savoir.
    — Je sais combien de temps il
durera. Ce sera tant que Robespierre sera au pouvoir. Après, je sais que nous
ne nous aimerons plus.
    Il ferma les yeux. Pourquoi
avait-il cherché à savoir ? Pourquoi n’avait-il pas gardé le
silence ? Pourquoi avait-il tout gâché ? C’était tellement mieux de
ne pas savoir à l’avance.
    — Ce doit être terrible de
connaître son propre avenir.
    — Oui, murmura-t-elle, c’est
terrible. Tu commences à peine à t’en rendre compte. Aime-moi encore, Gabriel,
je t’en prie…
     

10
            
    Ils passèrent la nuit et la
journée serrés l’un contre l’autre. Le temps qui passait, les heures qui
s’écoulaient, inéluctables, n’avaient pas de prise sur eux. Chaque fois qu’ils
se détachaient, d’irrépressibles frissons les prenaient et ils se jetaient dans
les bras l’un de l’autre. Jamais Gabriel ne pourrait la quitter, il le savait.
Pourtant le moment allait venir où il devrait partir, continuer sa mission.
Paris, jaloux de leur tranquillité et de leur amour, allait reprendre ses
droits.
    — Combien de temps
resterons-nous ainsi ? lui demanda-t-il.
    — Je n’en sais rien.
    — Tu es heureuse ?
    — D’une certaine manière oui.
C’est une sensation étrange. Effrayante surtout.
    — Effrayante ?
    — Oui, j’ai peur que cela
s’arrête. C’est cela qui m’empêche d’être parfaitement heureuse.
    — Parce que tu sais que cela
finira un jour ?
    — Oui.
    Ils s’étaient enveloppés dans
la couverture et, debout devant la fenêtre, contemplaient le petit peuple qui
circulait rue de Tournon. On était bien loin de la foule qui se pressait autour
du Tribunal révolutionnaire, bien loin des patriotes et des gens importants qui
parcouraient les couloirs du Palais national. C’était une rue calme. En face,
les Hôtels de Montmorency et de Brancas élevaient leurs hautes façades. Mais il
ne fallait pas

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