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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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insurrectionnelle de Paris vous a donné du fil à retordre, n’est-ce
pas, le 9 thermidor ?
    — Mais Vadier et Barère sont
aussi des adversaires de la monarchie. Encore plus acharnés peut-être !
    — Certes, mais ils ne
représentent rien aux yeux du peuple. Un accident dans l’Histoire, des noms
qu’on oublie. Ils commencent d’ailleurs à plier bagage pour quitter Paris car
ils sentent déjà que le vent va tourner et que la Convention va leur demander
des comptes. Les anciens bourreaux subiront le sort qu’ils ont réservé à leurs
victimes.
    — Et les francs-maçons, tu
voulais leur mort à eux aussi ? lui jeta-t-il, se rappelant le massacre de
la loge.
    — Non, protesta-t-elle les
larmes aux yeux. Je te le jure. C’est un accident. Je n’avais pas du tout prévu
leur mort. Et lorsque je l’ai sentie, il était trop tard. Mais leur sacrifice
n’a pas été inutile puisque nous sommes parvenus à chasser le tyran.
    Les épaules du jeune homme
s’affaissèrent : la vérité dépassait ses pires suppositions.
    — Alors, tu as fait tout cela
par idéalisme, toi aussi.
    — Oui.
    — Et notre amour, c’était donc
une illusion, un mensonge ?
    Elle se leva à son tour et
l’attrapa par la manche.
    — Non, Gabriel, je te le
promets. Je t’ai aimé, je t’aime, mais je savais très bien que notre amour
n’aurait aucun avenir. J’ai été heureuse durant ces quelques jours, même si
nous risquions notre vie, même si nous étions proscrits, recherchés, à la merci
du monstre. Je t’aime, Gabriel, mais je savais que notre amour ne survivrait
pas au 9 thermidor, tu comprends pourquoi maintenant ?
    Il approuva de la tête, les
yeux baissés. Tout avait été dit.
    — D’accord, je te crois. Je
vais partir, Marie-Adélaïde.
    — Je sais, Gabriel.
    Ne me dis surtout pas ce qui va
m’arriver, je ne veux pas savoir.
    — Très bien.
    Il leva la tête. Leurs regards
se croisèrent une dernière fois. Il distingua une larme dans ses yeux. À ce
moment, il lui aurait peut-être pardonné, peut-être l’aurait-il prise dans ses
bras pour l’embrasser comme avant, durant ces quelques jours terrifiants où ils
avaient eu chacun tant besoin de réconfort, mais il se détourna.
    — Adieu.
    — Adieu, Gabriel.
    Et il quitta l’échoppe.
    Marie-Adélaïde s’assit sur le
trépied et se prit la tête entre les mains. Elle savait ce qui allait lui
arriver. La prison, la rancune des anciens proscrits, des familles de toutes
ses victimes. Ils seraient nombreux à payer de leur sang la terreur jacobine !
Elle savait aussi que quoi qu’elle puisse lui dire le destin n’en serait pas
changé.
    « Si seulement je n’avais
pas ce don ! Si seulement je pouvais ne pas voir toutes les calamités qui
s’abattront sur les gens que j’aime ! Rien que pour cela, Jéhovah, Dieu,
Grand Architecte de l’Univers, qui que tu sois, je te maudis ! »
    Soudain, la porte s’ouvrit.
Elle se redressa vivement et essuya d’un geste les larmes qui avaient coulé sur
ses joues.
    — Ma chère Marie-Adélaïde,
quelle joie de vous revoir !
    Marie-Josèphe-Rose Tascher de
La Pagerie s’installa d’autorité sur le siège du visiteur. Un sourire radieux,
une robe à l’antique qui, fluide et longiligne, lui laissait le corps libre
juste sous la poitrine, des bijoux, un chapeau à la dernière mode. Elle n’était
plus la jeune veuve aristocrate créole qui avait été enfermée à la Petite
Force, elle était splendide, une femme du monde.
    — Si vous saviez comme je suis
heureuse que vous ayez survécu vous aussi. Ah ! Quelle horreur, cette
prison ! Mais je n’oublierai jamais comment vous m’avez apporté le
réconfort durant cette sombre période et comment vos sages conseils m’ont aidée
à passer ce cap.
    Elle se pencha en avant et
baissa le ton :
    — Je viens vous voir parce que
ma situation financière ne s’est guère améliorée. À la Petite Force, il y avait
Hoche, mais maintenant il n’y a guère que Barras qui m’apporte ce que je
désire. Par contre, lui ne veut pas m’épouser. Comme si mes quartiers de
noblesse n’étaient pas moins respectables que les siens !
    Marie-Adélaïde hésitait à
renvoyer la femme sous un quelconque prétexte : les tourments de la veuve Beauharnais
ne l’intéressaient guère. Mais elle pouvait aussi se montrer une bonne
introduction dans la haute société. Après son rôle dans la chute de Robespierre,
Barras était devenu le nouveau maître de

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