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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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les âmes. Le cœur dévoré de Coucy que la dame « trouva si bon, qu'elle ne mangea plus de sa vie, » est le plus tragique exemple de ces monstrueux sacrements de l'amour anthropophage. Mais quand l'absent ne mourait pas, quand c'était l'amour qui mourait en lui, la dame consultait la sorcière, lui demandait les moyens de le lier, le ramener.
    Les chants de la magicienne de Théocrite et de Virgile, employés même au moyen âge, étaient rarement efficaces. On tâchait de le ressaisir par un charme qui paraît aussi imité de l'antiquité. On avait recours au gâteau, à la confarreato , qui, de l'Asie à l'Europe, fut toujours l'hostie de l'amour. Mais ici on voulait lier plus que l'âme, — lier la chair, créer l'identification, au point que, mort pour toute femme, il n'eût de vie que pour une. Dure était la cérémonie. « Mais, madame, disait la sorcière, il ne faut pas marchander. » Elle trouvait l'orgueilleuse tout à coup éblouissante, qui se laissait docilement ôter sa robe et le reste. Car il le fallait ainsi.
    Quel triomphe pour la sorcière ! Et si la dame était celle qui la fil courir jadis, quelle vengeance et quelles représailles ! La voilà nue sous sa main. Ce n'est pas tout. Sur ses reins, elle établit une planchette, un petit fourneau, et là fait cuire le gâteau... « Oh ! ma mie, je n'en peux plus. Dépêchez, je ne puis rester ainsi. — C'est ce qu'il nous fallait, madame, il faut que vous ayez chaud. Le gâteau cuit, il sera chauffé de vous, de votre flamme. »
    C'est fini, et nous avons le gâteau de l'antiquité, du mariage indien et romain, — assaisonné, réchauffé du lubrique esprit de Satan. Elle ne dit pas comme celle de Virgile : « Revienne, revienne Daphnis ! ramenez-le-moi, mes chants ! » Elle lui envoie le gâteau, imprégné de sa souffrance et resté chaud de son amour... A peine il y a mordu, un trouble étrange, un vertige le saisit... Puis un flot de sang lui remonte au cœur ; il rougit. Il brûle. La furie lui revient, et l'inextinguible désir 41. .
    40. Je cite de mémoire. Dans cette histoire, tant de fois répétée, ce n'est pas Coucy, c'est Cabestaing, ménestrel provençal, qui est page, châtelain, ou domestique, comme on disait, du mari.
    41. J'ai tort de dire inextinguible. On voit que de nouveaux philtres deviennent souvent nécessaires. Et ici je plains la dame. Car cette furieuse sorcière, dans sa malignité moqueuse, exige que te philtre vienne corporellement de la dame elle-même. Elle l'oblige, humiliée, à fournir à son amant une étrange communion. Le noble faisait aux juifs, aux serfs, aux bourgeois même (V. S. Simon, sur son frère), un outrage de certaines choses répugnantes que la dame est forcée par la sorcière de livrer ici comme philtre. Vrai supplice pour elle-même. Mais d'elle , de la grande daine, tout est reçu à genoux. Voir plus bas la note tirée de Sprenger.

XI
    La communion de révolte - Les sabbats - La messe noire
    Il faut dire les Sabbats . Ce mot évidemment a désigné des choses fort diverses, selon les temps. Nous n'en avons malheureusement de descriptions détaillées que fort tard (au temps d'Henri IV) 42. . Ce n'était guère alors qu'une grande farce libidineuse, sous prétexte de sorcellerie. Mais dans ces descriptions même d'une chose tellement abâtardie, certains traits fort antiques témoignent des âges successifs, des formes différentes par lesquelles elle avait passé.
     
    On peut partir de cette idée très-sûre que, pendant bien des siècles, le serf mena la vie du loup et du renard, qu'il fut un animal nocturne , je veux dire agissant le jour le moins possible, ne vivant vraiment que de nuit.
    Encore jusqu'à l'an 1000, tant que le peuple fait ses saints et ses légendes, la vie du jour n'est pas sans intérêt pour lui. Ses nocturnes sabbats ne sont qu'un reste léger de paganisme. Il honore, craint la Lune qui influe sur les biens de la terre. Les vieilles lui sont dévotes et brûlent de petites chandelles pour Dianom (Diane-Lune-Hécate). Toujours le lupercale poursuit les femmes et les enfants, sous un masque, il est vrai, le noir visage du revenant Hallequin (Arlequin). On fête exactement le pervigilium Vencris (au 1 er mai). On tue à la Saint-Jean le bouc de Priape-Bacchus Sabasius, pour célébrer les Sabasies. Nulle dérision dans tout cela. C'est un innocent carnaval du serf.
    Mais, vers l'an 1000, l'église lui est presque fermée par la différence des

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