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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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Tout le clergé en était-il ? tous les confesseurs, directeurs ? Il faut sans doute entendre qu'aux directeurs officiels nombre de laïques s'adjoignirent, brûlant du même zèle pour le salut des âmes féminines. Un de ceux-ci qui éclata plus tard avec talent, audace, est l'auteur des Délices spirituelles , Desmarets de Saint-Sorlin.
     
    On ne peut comprendre la toute-puissance du directeur sur les religieuses, cent fois plus maître alors qu'il ne le fut dans les temps antérieurs, si l'on ne se rappelle les circonstances nouvelles.
    La réforme du concile de Trente pour la clôture des monastères, fort peu suivie sous Henri IV, où les religieuses recevaient le beau monde, donnaient des bals, dansaient, etc., cette réforme commença sérieusement sous Louis XIII. Le cardinal de la Rochefoucauld, ou plutôt les jésuites qui le menaient, exigèrent une grande décence extérieure. Est-ce à dire que l'on n'entrât plus aux couvents ? Un seul homme y entrait chaque jour, et non-seulement dans la maison, mais à volonté dans chaque cellule (on le voit dans plusieurs affaires, surtout par David à Louviers). Cette réforme, cette clôture, ferma la porte au monde, aux rivaux incommodes, donna le tête-à-tête au directeur, et l'influence unique.
    Qu'en résulterait-il ? Les spéculatifs en feront un problème, non les hommes pratiques, non les médecins. Dès le seizième siècle, le médecin Wyer nous l'explique par des histoires fort claires. Il cite dans son livre IV nombre de. religieuses qui devinrent furieuses d'amour. Et, dans son livre III, il parle d'un prêtre espagnol estimé qui, à Rome, entré par hasard dans un couvent de nonnes, en sortit fou, disant qu'épouses de Jésus, elles étaient les siennes, celles du prêtre, vicaire de Jésus. Il faisait dire des messes pour que Dieu lui donnât la grâce d'épouser bientôt ce couvent 13. .
    Si cette visite passagère eut cet effet, on peut comprendre quel dut être l'état du directeur des monastères de femmes quand il fut seul chez elles, et profita de la clôture, put passer le jour avec elles, recevoir à chaque heure la dangereuse confidence de leurs langueurs, de leurs faiblesses.
    Les sens ne sont pas tout dans l'état de ces filles. Il faut compter surtout l'ennui, le besoin absolu de varier l'existence, de sortir d'une vie monotone par quelque écart ou quelque rêve. Que de choses nouvelles à cette époque ! Les voyages, les Indes, la découverte de la terre ! l'imprimerie ! les romans surtout !... Quand tout cela roule au dehors, agite les esprits, comment croire qu'on supportera la pesante uniformité de la vie monastique, l'ennui des longs offices, sans assaisonnement que de quelque sermon nasillard ?
     
    Les laïques même, au milieu de tant de distractions, veulent, exigent de leurs confesseurs l'absolution de l'inconstance.
    Le prêtre est entraîne, forcé de proche en proche. Une littérature immense, variée, érudite, se fait de la casuistique, de l'art de tout permettre. Littérature très-progressive, où l'indulgence de la veille paraîtrait sévérité le lendemain.
    La casuistique fut pour le monde, la mystique pour les couvents.
    L'anéantissement de la personne et la mort de la volonté, c'est le grand principe mystique. Desmarets nous en donne très-bien la vraie portée morale. Les dévoués, dit-il, immolés en eux et anéantis, n'existent plus qu'en Dieu. Dès lors ils ne peuvent mal faire . La partie supérieure est tellement divine, qu'elle ne sait plus ce que fait l'autre 14. .
    On devait croire que le zélé Joseph, qui avait poussé si haut le cri d'alarme contre ces corrupteurs, ne s'en tiendrait pas là, qu'il y aurait une grande et lumineuse enquête ; que ce peuple innombrable, qui, dans une seule province, comptait soixante mille docteurs, serait connu, examiné de près. Mais non, ils disparaissent, et l'on n'en a pas de nouvelles. Quelques-uns, dit-on, furent emprisonnés. Mais nul procès, un silence profond. Selon toute apparence, Richelieu se soucia peu d'approfondir la chose. Sa tendresse pour les capucins ne l'aveugla pas au point de les suivre dans une affaire qui eût mis dans leurs mains l'inquisition sur tous les confesseurs.
    En général, le moine jalousait, haïssait le clergé séculier. Maître absolu des femmes espagnoles, il était peu goûté de nos Françaises pour sa malpropreté ; elles allaient plutôt au prêtre, ou au jésuite, confesseur amphibie, demi-moine et

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