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La Trahison Des Ombres

La Trahison Des Ombres

Titel: La Trahison Des Ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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les
autres, à présent, sont terrorisés. J’ai même ouï chuchoter que Sir Roger était
innocent.
    — Bien sûr, qu’il l’était ! renchérit
Sorrel. C’est ce que disait mon mari.
    L’hôte lui tapota doucement la main et secoua la
tête avec tristesse.
    — J’ai déjà entendu cette chanson, Sorrel !
Allons, le travail m’attend !
    Il regagna la cuisine et Sorrel entreprit de
déguster sa bière avec gourmandise. Un valet s’approcha, et, sans un mot, prit
la besace. La femme vida sa chope et embrassa la salle du regard. Devrait-elle
essayer de voir le clerc ? Elle hocha la tête et soupira. Non, il valait
mieux qu’elle le rencontre sur son propre terrain. De toute façon, elle avait
des choses à lui montrer et elle devait s’aboucher avec le peuple de la nuit.
Elle refoula ses larmes. Corbett l’aiderait certainement à retrouver le pauvre
Furrell ? Peut-être à prouver que ce dernier avait dit la vérité et aurait
même pu être cru si les autres... ? Elle leva les yeux vers la poutre noircie
de fumée où l’on avait suspendu lard et flèches de jambon pour les fumer. Elle
aimerait exposer à Corbett les os et les choses étranges qu’elle avait aperçues
dans ses vagabondages, comme par exemple ce sinistre Momeur [5] avec son grotesque
masque de démon et son cheval silencieux. Mais qui la croirait ? On s’était
gaussé de Furrell. Et pourquoi ? À cause des gens comme Deverell, le
charpentier.
    Sorrel empocha les pièces et saisit son gourdin.
Remarquant que le colporteur avait laissé sa chape dans le coin et se souvenant
de ses insultes, elle s’empara du vêtement en cachette et quitta l’auberge par
la porte de derrière. Elle fit une pause pour humer les simples et respirer le
parfum puissant de la menthe et du thym. Elle passa sous le porche du
cimetière, regagna la grand-rue et suivit les venelles qui menaient à l’atelier
de Deverell le charpentier, derrière sa maison. La porte était close. Elle
frappa de son gourdin.
    — Qui est là ? demanda une voix.
    « Ainsi, tu as peur », pensa Sorrel en
détectant une note d’inquiétude.
    — Je vous apporte des nouvelles, Maître
Deverell. C’est Sorrel.
    — La femme du braconnier ? répondit-il
d’un ton dur et sec.
    — Oui, la femme du braconnier.
    Elle se tut. Elle était certaine d’avoir ouï un
murmure, comme si le charpentier avait intimé à quelqu’un l’ordre de se tenir
coi. Elle fit le tour du bâtiment mais il n’y avait point d’autre accès. Elle
revint frapper au grand portail de bois.
    — Du vent ! Je suis occupé !
    — Que craignez-vous, Deverell ? railla-t-elle.
    Elle retourna devant la demeure et s’avança sous
le porche. Elle remarqua le cernel [6] à droite. Deverell devait être fort sur ses gardes pour vérifier l’identité de
chaque visiteur. Après avoir tambouriné en vain à l’huis, elle revint au portail
et frappa derechef. Cette fois le charpentier tira les verrous et ouvrit la
porte à la volée. Massif et de haute taille, il avait un visage cireux et
osseux, des lèvres minces et des yeux anxieux. Ses cheveux noirs clairsemés
étaient couverts de sciure et il frottait une entaille à sa main droite.
    — Je peux vous soigner, proposa Sorrel.
    — Que voulez-vous ? s’enquit le
charpentier en suçant sa plaie saignante.
    — J’ai vu l’officier du roi.
    — Et alors ?
    — J’ai pensé que cela vous intéresserait.
Nous pouvons en parler ici dans la rue et je peux révéler à voix haute ce que
je sais.
    Deverell soupira et lui fit signe d’entrer. Il
la précéda dans une cour pavée où étaient éparpillés des tas de bois d’œuvre.
Sorrel nota que, près de la clôture du fond, il y en avait eu une pile fort
haute que l’on avait, par la suite, retirée, comme si le maître des lieux avait
redouté qu’un intrus ne puisse escalader la barrière et se servir du bois pour
descendre sans peine dans la cour. Le charpentier la conduisit dans son atelier,
un long hangar sombre contenant un établi, du bois, des râteliers à marteaux et
à ciseaux. Il désigna un escabeau mais sans cesser de jeter des coups d’œil
par-dessus son épaule.
    — Qu’y a-t-il ? Êtes-vous seul ?
s’étonna Sorrel.
    — Ma femme est au marché, répondit-il. Vous
prétendez être rusée et avoir l’œil perçant, Sorrel : vous savez donc que
je n’ai ni domestique ni servante.
    — C’est de ça que je voulais vous
entretenir ! s’exclama Sorrel,

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