La Vallée des chevaux
eut terminé le petit panier, elle le plaça à
l’intérieur de celui dont elle se servait quand elle voyageait et fixa ce
dernier sur son dos. Elle rangea ses outils dans les replis de son vêtement,
prit sa fronde et se dirigea vers la prairie. En arrivant près du merisier,
elle se débarrassa de son panier, cueillit tous les fruits qu’elle pouvait
atteindre et monta dans l’arbre pour compléter sa récolte. Elle en profita
aussi pour manger ces cerises sauvages qui, bien que trop mûres, gardaient un
goût aigrelet.
En redescendant, elle décida de faire provision d’écorce de
merisier, un excellent remède contre la toux. A l’aide de son coup-de-poing,
elle retira un morceau d’écorce et se servit de son couteau pour détacher
l’aubier du bois dur. Cela lui rappela le jour où, alors qu’elle était encore
une petite fille, Iza l’avait envoyée chercher de l’écorce de merisier. Ce
jour-là, elle avait espionné les hommes du Clan qui étaient en train de
s’entraîner au maniement des armes dans une clairière. Elle savait que c’était
défendu, mais craignant d’être surprise au moment où elle s’en irait, elle avait
préféré rester tapie et avait écouté les explications de Zoug sur le maniement
de la fronde.
Elle savait que les femmes n’avaient pas le droit de toucher aux
armes, mais en voyant la fronde que Broud avait oubliée, elle n’avait pas pu
résister et l’avait emportée, cachée à l’intérieur de son vêtement. Si je
n’avais pas pris cette fronde, serais-je encore en vie aujourd’hui ? se
demanda-t-elle. Si je ne l’avais pas utilisée, peut-être que Broud ne m’aurait
pas autant détestée. Peut-être ne m’aurait-il pas maudite...
Peut-être ! Peut-être ! songea-t-elle avec colère.
Cela ne sert à rien de réfléchir après coup a ce qui aurait pu se passer. La
seule chose qui importe, c’est qu’avec cette fronde je ne peux pas chasser un
gros animal. Il me faudrait un épieu !
Elle traversa un bosquet de jeunes trembles et s’approcha de la
rivière pour boire et laver ses mains tachées par le jus des merises. Elle
allait repartir quand soudain elle s’immobilisa pour regarder les troncs
parfaitement droits des jeunes arbres. Elle venait de trouver de quoi fabriquer
un épieu !
Si Brun était là, il serait furieux, songea-t-elle aussitôt. Il
m’a dit que je n’avais pas le droit de me servir d’une autre arme que la
fronde. Il...
Elle s’interrompit soudain. Il ne peut plus me punir, reprit-elle.
Je suis déjà morte ! Et à part moi, il n’y a pas un seul être humain dans
cette vallée.
Comme une corde trop tendue finit par se rompre, quelque chose
se brisa à l’intérieur d’Ayla. Elle se laissa tomber à genoux. Comme j’aimerais
qu’il y ait quelqu’un près de moi ! Quelqu’un... N’importe qui ! Même
Broud serait le bienvenu. S’il me donnait la permission de revenir et de revoir
mon fils, je lui promettrais de ne plus toucher une fronde de ma vie. Cachant
sa tête entre ses mains, elle se mit à sangloter.
Les petites créatures qui vivaient dans la prairie et dans les
bois ne prêtèrent aucune attention à ces sons incompréhensibles. Il n’y avait
personne dans cette vallée capable de comprendre la tristesse d’Ayla. Tant
qu’elle avait voyagé, elle avait été soutenue par l’espoir de rencontrer
d’autres êtres humains, des hommes et des femmes qui lui ressemblaient. Cet
espoir, maintenant qu’elle s’était installée dans la vallée, il fallait qu’elle
y renonce : elle devait accepter sa solitude et apprendre à vivre avec
elle.
Pleurer lui avait fait du bien : elle se releva et, prenant
son coup-de-poing, se mit à entailler rageusement la base du jeune tronc. Puis
elle s’attaqua à un second tremble. J’ai souvent vu les hommes fabriquer des
épieux, se dit-elle en débarrassant les deux arbres de leur feuillage. Ça
n’avait pas l’air si difficile que ça. Quand elle eut fini, elle mit de côté
les deux perches et se dirigea à nouveau vers la prairie. Elle passa le reste
de l’après-midi à ramasser des grains de blé épeautre et de seigle et, après
avoir récupéré les deux perches, reprit le chemin de la caverne.
En arrivant, elle mit à sécher les merises qu’elle avait
ramassées, fit cuire une poignée de seigle qu’elle mangea avec le reste de la
truite et, après avoir écorcé les deux troncs, elle les débarrassa de toutes
leurs aspérités jusqu’à ce
Weitere Kostenlose Bücher