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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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et si timide. Jean passait aussi beaucoup de temps avec eux, comme avec Isabeau qui dès le premier soir lui avait ouvert la porte de sa chambre. Ils s’étaient aimés comme des amis que la tendresse préservait.
    Marie aurait voulu avoir quelque discussion avec Constant, mais il s’éclipsait souvent le premier à la veillée et elle en avait conclu qu’il valait mieux le laisser venir. S’il avait fait le voyage, c’était sans doute qu’il était prêt à l’accepter.
    —  Pourquoi autorises-tu qu’une messe soit célébrée ? demanda-t-il, comme elle se trouvait en cuisine, le soir de Noël.
    Marie se retourna. Appuyé au chambranle de la porte, il la dévisageait avec une lueur d’agacement dans la prunelle.
    —  Pour ceux de la maison qui ne sont pas luthériens. Nous n’irons pas quant à nous, Constant, mais j’ai vu trop de souffrance naître d’un différend. Ici, à Vollore, chacun est libre de sa foi. Et respecte celle de l’autre.
    —  Les enfants savent-ils faire la différence ?
    —  Je la leur apprendrai. Tout comme je leur apprendrai l’amour et la patience, la tolérance et la force de la liberté.
    Ils furent interrompus par Bénédicte qui grogna que la place de Marie était à table et non en cuisine.
    Marie chipa une orange confite dans un plat et s’échappa sous les coups de tablier. Constant s’effaça pour la laisser passer. Leurs doigts se frôlèrent et Marie crut que son cœur allait éclater.
    La veillée fut chaleureuse et animée. Suivant cette tradition que Philippus leur avait enseignée, Huc avait fait couper un bel arbre. Enjolivé de boules de gui, décoré de nœuds rouges, il ornait un pan de mur. Dans la vaste cheminée, face à la longue table dressée d’argenterie, un porcelet tournoyait. Un des serviteurs l’arrosait de temps à autre à l’aide d’un entonnoir de fer rougi duquel s’écoulait du lard fondu. Posées sur une grille, des pommes cuisaient sur la braise en éclatant sous le jus ruisselant.
    Les enfants se gorgeaient les narines des senteurs qui se mélangeaient, les yeux rivés sur les lumières tremblantes des bougies piquées çà et là sur les chandeliers. Marie se sentait revivre.
    Le repas touchait à sa fin lorsque Constant se leva. Il tenait son verre à la main et avait les joues rougies par la chaleur autant que par le vin.
    —  Je suis venu te porter un présent, Mère, annonça-t-il gravement.
    Marie sentit ses jambes flageoler et un espoir fou battit à ses tempes, mais les paroles de Constant lui firent l’effet d’une pluie glacée :
    —  Solène va me donner un fils. Je vais l’épouser.
    Elle regarda Constant, puis Jean qui se détourna, gêné. Un petit cri lui échappa. Ensuite, elle ne vit plus rien. Autour d’elle tout s’était figé dans une nuit d’airain.
     
    Lorsqu’elle s’éveilla, elle trouva Isabeau à ses côtés. Il lui suffit d’ouvrir les yeux pour que les paroles de Constant éclatent en son cœur. Isabeau se précipita et reçut ses pleurs sur sa poitrine généreuse.
    —  Là, mon petit, chuchota-t-elle. Pleure. Tu te sentiras mieux après.
    —  J’avais cru… gémit Marie dans ses larmes. J’avais cru… répéta-t-elle.
    —  Ce fut une surprise pour tous. Seul Jean savait, semble-t-il, et ce n’était pas à lui de l’annoncer.
    —  Pourquoi ? Tout était si parfait, sanglota Marie.
    —  Je suppose que c’est sa façon à lui de se venger. De briser cette image que nous donnions de la fête de Noël. Crois-moi pourtant, Marie, lorsque tu t’es évanouie, le vin aidant, il s’est mis à pleurer.
    Marie releva la tête.
    —  Où est-il ?
    —  Il est parti, tôt ce matin.
    —  Ce matin ?
    Marie se frotta les yeux. Elle n’avait pas remarqué qu’il faisait plein jour dans sa chambre.
    —  Tu as dormi d’une traite. Ces préparatifs t’avaient épuisée.
    —  Pourquoi ne m’avez-vous pas réveillée, j’aurais pu, j’aurais…
    —  Il a laissé ceci.
    Isabeau tendit une lettre cachetée. Marie sécha son chagrin d’un revers de main et l’ouvrit.
    « Marie.
    « Ce qui est fait est fait, comme tu le dis si bien. Épouse Jean, il mérite les enfants que tu lui as donnés.
    « Adieu.
    « Constant. »
    Elle froissa la lettre dans ses doigts et de rage l’envoya s’écraser contre le mur en face.
    —  Jamais ! cria-t-elle, comme s’il pouvait l’entendre. Jamais !
    Puis elle se retourna et cacha son désespoir dans l’oreiller.

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