La vengeance d'isabeau
trouvé sa place en cuisine, s’activant aux fourneaux avec Albérie et Bénédicte. Bertille suivait les enfants pas à pas, ses petites jambes l’autorisant à leurs cachettes dans le parc. Comme pour Marie naguère, elle était la complice idéale. Sa taille d’enfant attirait la confiance et le jeu, ses cheveux grisonnants apaisaient les disputes et rétablissaient l’ordre.
— Je suis fourbue ! avouait-elle pourtant chaque soir, dès lors qu’ils étaient couchés.
Leur nourrice était restée au château et sa belle énergie s’avérait indispensable pour prendre le relais et accomplir les tâches les plus difficiles. Comme pour Isabeau, pour Bertille, les ans comptaient désormais. Les quatre femmes dirigeaient la maisonnée avec une tendre complicité. Marie en fut surprise.
La vie avait repris ses droits à Vollore, les rires fusaient. S’il manquait d’hommes, Huc savait le faire oublier. Il trônait en bout de table, et il lui suffisait d’un regard noir pour que les enfants piquent du nez dans leurs assiettes. Marie comprit qu’il était pour eux le père qu’elle ne leur donnait pas. C’était bien ainsi. Tout était à sa place. Elle y était également. Même si plus que jamais elle aurait voulu que Constant fût là. Le château d’autrefois n’existait plus que par sa forme. Il aurait aimé cette légèreté. Elle était sereine, loin des bouleversements, de la folie des hommes, et des rois. Les paysans étaient satisfaits, les artisans prospères, le moulin donnait rendement et les coustelleurs qui avaient déserté le pays au moment de la répression semblaient vouloir revenir en pays thiernois, à l’inverse de Lyon où nombre de tisserands s’étaient expatriés définitivement.
Tout était en ordre. Ou presque.
Isabeau n’était pas parvenue à trouver le contrepoison, malgré tous ses efforts. Elle s’appliquait à faire, refaire, sans succès. Chaque nuit de pleine lune, la louve grise reparaissait.
Un courrier était arrivé d’Augsbourg, accompagnant un traité sur la médecine relié plein cuir. Philippus y avait consigné tout le savoir d’Isabeau et la somme de ses propres recherches sous le nom de Paracelse. Ma suivait ses pérégrinations, au gré des alchimistes qu’il rencontrait ou en fonction des éléments qu’il tentait d’associer à ses déductions. Lui aussi stagnait. Par moments, il désespérait de parvenir à un résultat, d’autant qu’il avait dû souvent se méfier. Si en Allemagne et en Autriche le culte de Luther était encouragé, il restait encore des opposants, prêts à ressortir le vieux spectre de la sorcellerie pour accuser et mener au bûcher. Marie l’enviait un peu. Sa mère lui manquait souvent.
— En ce monde, affirmait Huc, rien n’est parfait ! Il faut s’accommoder de ce qu’on ne peut changer.
Avec Albérie, il était heureux. Pleinement. Pourtant lui aussi sentait les années peser sur ses épaules qui s’étaient voûtées. D’épaisses rides marquaient son front et le coin de ses yeux rieurs. Il était toujours prompt, habile et en bonne santé, mais il avait ses douleurs aux changements de temps même si la présence des enfants les lui faisait oublier.
L’été, puis l’automne passèrent sur le château de Vollore. Bien vite, Marie récupéra auprès des poupons cette tendresse qu’elle leur donnait. Elle recevait régulièrement des nouvelles de la cour mais n’avait nulle envie de la rejoindre, trop occupée au plaisir des siens, au ramassage des noisettes et des champignons, à la cueillette des pommes et des mûres. Avec les petiot* tout était un jeu. Et Marie malgré ses vingt ans redevenait petite.
La reine Eléonore lui écrivait parfois, elle aussi. Marie aurait préféré mille fois être attachée à son service qu’à celui de Catherine de Médicis. L’épouse de François I er était intelligente et elle l’appréciait pour sa finesse d’esprit autant que pour son charisme.
De fait, la reine était triste. Triste parce que la guerre entre son frère Charles Quint et son époux était une fois de plus inévitable. Le roi de France voulait le Milanais. Encore et toujours. Les préparatifs se sentaient dans tout le pays et le Thiernois n’y échappait pas. Nombreux étaient ceux qui s’engageaient dans l’armée que le roi levait. Mais Marie s’en moquait. Avec les siens, elle préparait Noël en espérant secrètement que son souhait serait exaucé.
Deux jours avant
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