La vengeance d'isabeau
encore, Constant, mais il est clair que quoi que je fasse ou dise, tu ne me pardonneras pas. J’étais venue te demander de m’accepter à tes côtés à présent que le danger n’est plus là, mais c’était stupide. Alors je vais retourner à Vollore. Je n’ai pas été la maîtresse du roi, mais je ne peux changer ce qui fut. Jean est le père de mes enfants, je ne lui interdirai pas de les voir s’il le désire, mais je te l’ai dit : je t’appartiens pour mon malheur, pour le tien, et pour le sien, car je n’aurai d’autre amant que toi. Si un jour tu peux oublier et me rappeler auprès de toi…
— Je t’aime, Marie, lâcha-t-il.
— Je sais. Mais cela ne suffit pas, n’est-ce pas ?
— Non. Cela ne suffit pas.
Les yeux emplis de larmes, Marie se détourna.
— Alors adieu, Constant.
Elle sentit son combat, mais il n’y céda pas. Résolument, elle rejoignit l’air libre, embrassa Jean sur la joue et remonta dans sa litière.
Quelques jours plus tard, François I er annonçait officiellement la fin de la répression et autorisait les luthériens à rentrer en France, à la condition toutefois qu’ils abjurent leur foi et y vivent en bons chrétiens.
Marie ne fut pas dupe. De fait, Jean Calvin n’y revint pas, ce qui n’empêcha nullement l’hérésie de perdurer et les sectes de se développer.
En regagnant l’Auvergne, Marie était lasse. Elle était la quatrième d’une race où l’amour n’avait été que souffrance. Elle songea à sa fille. Comme elle, elle portait la marque des loups. Les yeux fermés, elle se mit à prier :
« Puisse, Seigneur, cette malédiction s’arrêter là ! »
16
Marie fut aise de retrouver Vollore. À peine descendue de voiture, une boule de poils lui sauta au visage. Comme elle repoussait Noirot qui lui faisait fête, elle entendit des cris et des pleurs. La voix d’Albérie les couvrit :
— Antoine, il suffit !
— Mais ce n’est pas moi, c’est…
— Tenez-vous droits et allez saluer votre mère.
Les trois enfants descendirent le grand escalier guindés dans leurs costumes qu’une algarade avait froissés. Marie sentit son cœur se serrer.
Gasparde avait hérité des yeux verts d’Isabeau et de Loraline, son nez retroussé se perdait dans des joues rondes et malicieuses. Elle semblait intimidée dans sa révérence appliquée. Quant à Antoine, il avait le visage sec et la tignasse noire de son père. Ironie du sort, Gabriel ressemblait davantage à sa « sœur » que le jumeau de celle-ci.
Marie s’agenouilla devant eux et ouvrit ses bras, le cœur en joie.
— Laissez donc ces manières et venez m’embrasser !
Ils s’avancèrent, gauches, et tendirent un baiser timide.
Marie comprit qu’elle devait d’abord les apprivoiser.
Isabeau parut, les mains couvertes de farine. Ses cheveux étaient aussi laiteux que ses mains désormais et Marie s’en attendrit. Délaissant ses enfants qui ne savaient que dire et faire, face à cette étrangère, elle embrassa Albérie et sa grand-mère avec effusion.
— Nous ne t’attendions pas avant demain, s’excusa Albérie en désignant du menton les vêtements tachés des garçonnets qui recommençaient à se pousser du coude.
Marie éclata d’un rire clair :
— La chaleur était lourde, j’ai activé le cocher. Quant à ces deux-là, n’y change rien.
Elle se tourna vers Antoine qui fusillait des yeux son frère. Gabriel l’avait pincé.
— Courez donc à la rivière, fripons.
L’œil des garçons étincela et, sans demander leur reste, ils détalèrent de concert sur leurs petites jambes.
— Puisse les accompagner, ma mère ? Murmura la voix timide de Gasparde.
— Comment, tu n’y es pas encore ?
Gasparde la gratifia d’un sourire radieux et d’une révérence qui ravit Marie.
Tandis qu’ils disparaissaient, la brise légère ramena leurs appels :
— Bertille, criaient-ils, dépêche-toi, vite, viiite ! !
Ajoutant à leur impatience, Noirot aboyait. Marie enroula ses bras autour des épaules d’Albérie et d’Isabeau, et franchit le seuil du château.
— Seigneur Dieu, s’exclama-t-elle, comme Vollore a changé !
De fait, c’était vrai. Les trois enfants âgés désormais de deux ans et demi amenaient une bouffée de vie et de gaieté sur chaque instant. Ils étaient querelleurs, agités, malicieux, et Marie se revoyait tout entière dans leur » rires et leurs farces.
Isabeau avait
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