La vengeance d'isabeau
est-ce sans danger ? S’inquiéta Marie.
Solène éclata de rire.
— Guette seulement la rumeur. Nous verrons bien qui vaincra. Triboulet me manque et rien ne saurait me faire davantage plaisir que de venger son meurtre.
Plusieurs jours passèrent ainsi. Puis, le samedi suivant, ce qu’avait prédit Solène se réalisa. Les cloches sonnèrent pour annoncer que la duchessina était au plus mal, en proie à une fièvre tourmenteuse qui éclatait en de petites bulles purulentes à fleur de peau. Durant une semaine, le château fut mis en isolement et ses proches sous surveillance médicale de peur d’un début d’épidémie.
Solène affirma à Marie qu’elle s’en rétablirait vite.
— Sa magie est bien moins grande que la mienne, ajouta-t-elle, mais cela, elle ne le sait pas.
Elle semblait ravie du tour joué à cette empoisonneuse. Marie beaucoup moins. Catherine ne serait pas dupe lorsqu’elle lui verrait porter la parure. Et elle la connaissait désormais assez pour supposer quelques représailles.
Le 27 novembre de cette année 1539, Charles Quint faisait son entrée sur la terre de France, à Saint-Jean-de-Luz. Ce même jour, Solène passait au cou de Marie le collier débarrassé de sa malignerie {7} . Elle se sentit soulagée de ne ressentir que la fraîcheur bénéfique et splendide des diamants. Catherine était de nouveau debout « contre grand mystère », disaient les médecins, et le château de Fontainebleau nettoyé du sol au plafond pour préparer la visite de l’empereur.
Montmorency avait rejoint le roi et la reine Eléonore à Loches. Ils y attendirent Charles Quint pour accompagner son voyage. François était ravi de pouvoir éblouir son beau-frère au gré des demeures de France. Marie savait donc qu’elle ne pourrait l’entretenir avant que le piège se referme sur elle.
Les siens débattirent longuement de la conduite à adopter. Constant pensait qu’elle devait regagner Vollore et s’y cacher, Bertille insistait pour y retourner aussi, à condition que son fils les accompagne. Solène et Jean estimaient au contraire qu’il fallait faire face. Si Marie trahissait sa peur, elle n’en serait que plus vulnérable.
Le nom de la sœur du roi glissa un instant sur les bouches et Marie y entrevit une solution. Marguerite d’Angoulême n’avait pas caché son affection pour elle autant que son aversion pour Catherine. Nul doute qu’elle saurait la conseiller. Malgré les premiers frimas, elle prit la route pour la rencontrer à Poitiers où elle séjournait.
Marguerite l’embrassa avec un réel plaisir et lui accorda aussitôt l’entretien qu’elle réclamait. Cette fois, Marie posa tous ses arguments avec sincérité : la prédiction de Nostradamus, l’insistance de Catherine pour obtenir ce poison et la tromper, sa haine depuis qu’elle s’était refusée à assouvir d’autres desseins macabres, la cupidité de Montmorency.
Durant sa confession, Marguerite garda les sourcils froncés, soucieuse. Mais il était trop tard pour revenir en arrière. En conclusion, Marie lui avoua sa peur d’être condamnée autrement que par ses remords et lui tendit le dernier billet de Catherine qui l’informait du décès de Triboulet, Ensuite, elle se tut, se renfonça dans son fauteuil, avala d’un trait la liqueur d’amande qu’on lui avait servie et attendit. Marguerite resta un long moment silencieuse, serrant la lettre entre ses mains jointes.
Puis elle releva la tête. Une ride ennuyée plissait son front large et haut sur lequel se perdaient quelques mèches bouclées et soyeuses.
— Tout cela m’attriste vilainement, Marie, dit-elle. La culpabilité de Catherine dans la mort du dauphin n’a jamais fait aucun doute dans l’esprit du roi, pas davantage que votre contribution involontaire. Il fut un temps où Isabelle de Saint-Chamond me fournit le même poison. C’était lors de la captivité du roi à Madrid. Peu importe les circonstances, il faut croire que je ne suis pas faite pour le crime. Quoi qu’il en soit, mon frère savait la provenance du poison qui avait tué son fils.
— Pourquoi n’a-t-il rien dit ? Rien fait contre moi ? demanda Marie.
Mais sur l’instant, elle se souvint des paroles du roi sortant de sa chambre après l’avoir aimée. N’avait-elle pas alors eu le sentiment d’être démasquée ? Marguerite répondit en haussant les épaules :
— À quoi bon, il tenait celui qui l’avait versé. De plus, il
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