La vengeance d'isabeau
Leurs avant-bras se nouèrent, Jean s’y agrippa et, en un instant, tiré en avant par Constant, il se retrouva debout dans ses bras. Ils s’enlacèrent comme des frères.
— J’ai été stupide, je n’aurai pas assez d’une vie pour expier le mal que je t’ai fait.
— Alors nous sommes quittes, Constant, répondit Jean.
Solène les regardait en tremblant. Marie sentait son combat mais ne pouvait rien y faire. Elle avait attendu ce retour sans douter un seul instant qu’il la choisirait. À présent, elle n’était plus sûre de rien.
Jean s’écarta de Constant et la fixa enfin.
— Tu as raison, Solène, murmura-t-il doucement. Les liens qui m’unissent à Marie sont forts. Ils l’ont toujours été, mais, durant cette dernière année, je n’ai cessé de songer à cette chance que le ciel me donnait. C’est ton amour qui m’a ramené, Solène, pourtant je suis venu t’en dégager. Je n’ai rien à t’offrir. Rien de ce qu’une femme belle et désirable puisse espérer d’un époux. Je ne peux pas même subvenir aux besoins d’une famille malgré la rente que me verse le roi au titre de mes bons services et de ma qualité d’officier. Je ne suis plus qu’une moitié d’homme et cette moitié est indigne d’une femme telle que toi.
Solène avança d’un pas rageur et lui fit face. La gifle qu’elle lui décocha résonna comme un gong et les laissa tous trois stupéfaits.
— C’est la plus mauvaise excuse qu’on ait jamais trouvée, Jean Latour, dit-elle en redressant son menton fier. Trouves-en une autre si tu veux me faire renoncer !
Et les plantant là, elle sortit de la pièce. Jean resta bouche bée, tandis que la bonne humeur de Marie recommençait à se distiller dans ses veines. Solène avait du tempérament mais c’était bien la première fois qu’elle la voyait en user d’aussi belle manière.
— Marie, explique-lui, demanda-t-il en se tournant vers elle, comprenant enfin ce qui venait de se passer.
— Oh ! Non, Jean ! Tu vas devoir accepter ce qui se passe. Elle t’aime comme tu es et se moque bien de ton apparence.
— Mon frère, commença Constant en lui posant affectueusement une main sur l’épaule. T’a-t-on coupé ce que tu sais ?
— Certes non, mais…
— Alors, accorde-toi une deuxième chance. Si tu t’aimes dans ses yeux, tout finira par s’arranger. Crois-moi, ajouta-t-il en adressant à Marie un regard de concupiscence.
Jean soupira, hésita puis demanda :
— Est-ce aussi ton avis, Marie ?
— Je n’aurais pu mieux dire, affirma-t-elle.
— D’accord, se résigna Jean. Où la trouver ?
— Près de ton fils, mon ami. Viens, je t’y conduis.
Jean accepta la main que Constant lui tendait et Marie les regarda s’éloigner bras dessus, bras dessous, comme si le temps n’avait rien abîmé.
Ils décidèrent tous quatre que Jean s’installerait chez Albérie et partagerait la couche de Solène, qu’il puisse ou non la contenter.
— D’ailleurs, lui affirma-t-elle, je suis bien certaine que tu puiseras d’autres ressources dans l’art d’aimer !
Ce que Jean s’empressa de lui prouver.
Fin octobre, Marie reçut un courrier du roi depuis Compiègne où il séjournait, se rétablissant à grand-peine d’un « rhume » qui lui était tombé sur les « génitoires » et lui causait grands maux. Charles Quint avait accepté son invitation. Il traverserait la France de part en part pour se rendre à ses Etats de Flandre alors en pleine rébellion. Selon leurs nouveaux accords, François I er avait recommandé à son beau-frère d’éviter de prendre la mer aux portes de l’hiver. Et celui-ci avait approuvé. Ce qui tout à la fois l’étonnait et le ravissait. Il voulait lui faire forte impression et le recevoir dignement. Pour la circonstance, il commandait à Marie dix aunes de toile d’or frisé pour faire robe et cotte à M me de Canaples et deux cent vingt et une aunes de velours violet cramoisi pour les demoiselles d’honneur qu’il voulait voir vêtues des mêmes robes. S’ajoutaient d’autres soieries et velours noir doublé de fourrure d’hermine pour les dames d’honneur de Catherine et Éléonore, et autant de gorgerettes qu’il en faudrait.
La fortune de Marie était faite. Elle en remercia le roi par courrier en lui souhaitant un heureux rétablissement et se mit en devoir de satisfaire ses exigences avec tout le talent qu’on lui espérait.
Elle
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