La vengeance d'isabeau
recevait de plus en plus épisodiquement les faveurs de Montmorency, preuve indiscutable qu’il se lassait d’elle. Cela n’étonna pas Marie. Le connétable ne s’était jamais marié pour pouvoir satisfaire son insatiable appétit de nouveauté et, au dire de Triboulet qui continuait d’espionner, de belles jouvencelles peu farouches avaient fait leur apparition à la cour.
Marie s’était fait une raison de cette inévitable rupture. La commande du roi lui prouvait son attachement, elle était heureuse près de Constant et songeait à rendre visite à son père dès le printemps suivant avec une bourse rebondie, pour le convaincre de revenir à Vollore avec elle et Ma dont elle se languissait de plus en plus.
20
— La Médicis complote pour te perdre définitivement, lui annonça Triboulet sans préambule aux portes de décembre.
Il était devenu tellement ridé que Marie eut l’impression d’embrasser une pomme séchée, mais cela n’avait pas amolli son esprit.
— Le temps a passé, se moqua Marie. Que peut-elle désormais contre moi ?
— Tout, Marie, tout. Elle veut faire tomber Montmorency et t’entraîner dans son sillage.
— Il ne tardera pas à rompre et elle en sera pour ses frais.
— Montmorency ne rompra pas. Catherine le tient.
Marie s’inquiéta aussitôt de cette affirmation. Si Triboulet avait pris le risque de venir jusqu’à elle, c’était de toute évidence bien plus sérieux qu’elle ne l’imaginait.
— Je t’écoute.
— Montmorency insistera pour que tu retournes à Fontainebleau lorsque Charles Quint y séjournera. Il a pour ordre de convaincre le roi que ta présence est indispensable et te ferait une belle publicité puisque la cour tout entière portera tes tissus et sous-vêtements. Là, il s’arrangera pour te faire prendre en flagrant délit d’adultère avec Charles Quint.
— Comment se pourrait-il ? Le personnage m’écœure !
— Un breuvage soporifique suffira. Tu t’éveilleras au côté de l’hôte du roi, lequel insinuera perfidement qu’il t’a aimée selon votre entente parfaite.
— Pourquoi le ferait-il ?
— Parce que Montmorency lui a promis que plus jamais François I er ne revendiquerait l’Italie s’il l’aidait à démasquer l’auteur du complot contre le dauphin.
Marie sentit son cœur battre plus vite. Triboulet poursuivit :
— Il a fait la promesse inverse au roi, pour que celui-ci accueille Charles Quint avec la plus grande largesse. Il lui a certifié qu’en échange de sa générosité, Milan lui serait rendu. Voici pourquoi le roi a ouvert le trésor royal et insisté pour que les demeures soient décorées avec profusion ainsi que les gens parés des plus beaux atours. Montmorency s’appliquera à jeter le trouble dans l’esprit du roi, lui affirmant qu’il ne t’a approchée que pour mieux te découvrir et que la preuve est désormais faite de ta complicité avec Charles Quint, que ta perversité et ta cupidité se sont dissimulées derrière ta feinte réserve du pouvoir pour mieux atteindre ton but. Cette enseigne qu’il a légitimée par sa commande fait désormais de toi une fort riche veuve.
Marie était accablée. Elle savait bien que Catherine mettrait sa menace à exécution, mais elle ne se doutait pas qu’elle en possédait les moyens.
— Tu dis qu’elle veut perdre aussi Montmorency ? Pourquoi ? Comment, Triboulet ?
— Pour le punir d’avoir permis le rapprochement de Diane et d’Henri. Si elle tuait sa rivale, elle sait bien que son époux ne le lui pardonnerait pas. Elle a découvert que Montmorency a trahi le roi contre un bel héritage : celui du comte de Châteaubriant. Celui-ci a légué tous ses biens au connétable en place de ses neveux et ce en échange de son silence sur la mort de son épouse. La transaction s’est faite devant un notaire discret, mais Catherine a fini par l’apprendre. Elle menace de révéler la vérité au roi si Montmorency ne sert pas ses plans. Lorsqu’il les aura accomplis, elle le perdra en affirmant qu’il était ton complice et qu’il te couvrait de bijoux pour te faire taire. Catherine passera ainsi pour avoir écarté de la couronne deux traîtres aussi cupides qu’impitoyables et le roi ne risquera plus de la répudier pour stérilité.
— La charogne, gronda Marie en abattant son poing sur la table. Je prétexterai quelque mal et n’irai pas au palais.
— Il le faudra pourtant. Ta seule
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