La vengeance d'isabeau

chance de te sauver est de tout avouer au roi. Et de faire tomber Montmorency le premier.
    —  Catherine saura que j’ai été prévenue et tu seras en danger.
    —  Elle le sait déjà, petite Marie. Elle me fait surveiller, je le sais.
    Il sauta à bas du fauteuil et lui prit les mains.
    —  Je doute pouvoir te servir encore. Nous ne nous reverrons pas.
    Marie s’agenouilla. Le nain lui souriait.
    —  Tu t’es sacrifié pour me sauver. Pourquoi ?
    —  Parce que tu es l’élue. Croquemitaine le savait. Moi aussi , je le sais, tout comme les autres du petit peuple.
    —  L’élue ? Je ne comprends pas.
    —  Nous autres les nains savons plus de choses que vous les géants. Nous sommes à ras de terre et venons d’une raceoubliée des dieux. En compensation de notre laideur, ils nous ont offert des dons : ceux de prévoir et de savoir. Mais cela ne suffisait pas. Alors ils nous ont nourris du lait des louves pour pouvoir vivre cachés, en clan, et protéger nos semblables. Derrière notre apparente folie se cache une grande sagesse, Marie. Constant est né pour la transmettre et toi pour que le sang des louves puisse enfin être lavé. Je vais mourir, mais c’est sans importance. Je suis vieux et fatigué. Je t’ai bien servie. À ton tour, sers la cause des enfants que tu pourras donner. Si la boucle est bouclée, alors je mourrai en paix.
    Il entoura ses petits bras autour du cou de Marie qui s’était engrouée et ils restèrent ainsi longuement enlacés. Puis Triboulet la bisa et l’abandonna à son tourment.
     
    Quelques jours plus tard, Marie recevait un pli de Catherine : « La cour a perdu un bouffon. À peine un enfant. Puisse Dieu préserver les vôtres », disait-il.
    Elle envoya aussitôt un courrier à Albérie pour lui dire de redoubler de vigilance autour des triplés. Si Catherine pensait son plan compromis, elle risquait fort de s’en prendre à eux. Ensuite seulement, ils pleurèrent Triboulet.
    Quand Montmorency en visite chez elle lui confia qu’il aimerait la voir à son bras lors des festivités dédiées à Charles Quint, elle lui offrit son sourire le plus enjoué.
    —  Rien ne saurait me plaire davantage, Anne. Dites au roi que je serai heureuse de le remercier en personne de la grâce qu’il me fait.
    Montmorency lui présenta alors un coffret qu’il ouvrit. Il contenait une rivière de diamants.
    —  Portez cette parure, Marie, en signe de mon affection sincère.
    Il l’attacha à son cou et Marie eut l’impression qu’unemain invisible l’enserrait. Elle déglutit et le détacha aussitôt sans se départir de son calme.
    —  Je la mettrai, cher amour, avec une robe digne de sa beauté. Celle-ci ne mérite point son éclat.
    —  Comme vous voudrez, dit-il en la replaçant dans son écrin qu’il posa près du chevet. Je vous enverrai chercher très bientôt, ajouta-t-il avant de prendre congé.
     
    Marie ne put dormir la nuit durant et, sitôt que Solène arriva pour ouvrir la boutique, elle lui raconta l’effet curieux qu’avait produit sur elle le collier.
    —  Montre-le-moi, demanda Solène.
    Marie la conduisit jusqu’à cette pièce où elle consommait sa relation avec Montmorency. Les draps y étaient encore froissés et elle s’en sentit gênée. Dans cet endroit-là, Constant n’entrait jamais. Solène saisit sans hésitation le coffret d’acajou sculpté.
    —  Magie noire, dit-elle en promenant un doigt connaisseur sur les diamants.
    —  Je m’en doutais. Que vais-je faire ? J’ai promis à Montmorency de le porter.
    Solène sourit.
    —  Confie-le-moi. Les gitanes ont bien des secrets, y compris celui de renvoyer le mal d’où il vient. Dans deux ou trois jours, la Médicis sera couchée et purulente d’abcès.
    —  Que se passerait-il si je portais ce bijou ainsi ?
    —  Tu mourrais. Aussi sûrement que si la hart te prenait.
    —  Ma mort n’était pas prévue dans sa prime manigance, s’inquiéta Marie.
    —  Elle a dû en changer par crainte que Triboulet n’ait tout révélé de ses projets. Peut-être ignore-t-elle ce qu’il savait ? Peut-être pas ? Sois prudente, Marie. Si cette femme use de sorcellerie pour te détruire, au palais je ne pourrai rien pour toi. Quoi qu’il en soit, il faut lui donner l’illusion que tu possèdes le pouvoir de cette magie dont elle se sert et qu’elle n’a aucun effet sur toi. Cela la dissuadera peut-être d’en retenter l’expérience.
    —  Mais pour toi,