La vengeance d'isabeau
la chirurgie. Je m’y suis référé de nombreuses fois durant mes études. Je ne l’ai pas ouvert depuis. Il ne me semblait pas d’un grand intérêt.
— Peut-être faut-il le relire ?
— Je ne sais s’il faut accorder foi aux écrits de cet homme. On ne sait rien de lui hormis ce manuscrit découvert dans les archives de l’église Saint-Ambroise de Milan, il y a moins d’un siècle. On ignore même s’il fut réellement médecin, certains le prétendent seulement polygraphe.
— Quelle importance ! Ce n’est pas non plus l’université qui fut source de tes guérisons. Possèdes-tu l’édition originale ?
— Oui, celle de Florence de 1478.
— Bien, elle nous préserve des interprétations maladroites. Peut-être y découvrirons-nous, au-delà des apparences, une concordance avec Nostradamus et cet arcane céleste.
Ils quittèrent la table. Ma se leva aussitôt pour les suivre et Marie comprit que son instinct ne l’avait pas trompée. Ma ne dormait jamais que d’un œil et d’une oreille. Philippus finit par dénicher l’ouvrage dans une vieille malle et ils se penchèrent dessus avec application.
Les maladies y étaient répertoriées en trois catégories, d’après leurs moyens curatifs : la première concernait celles traitées par l’hygiène et la diététique, la deuxième celles propres aux médications, la troisième était consacrée à la chirurgie, proposant même l’usage de greffe en chirurgie plastique.
À plusieurs reprises, ils trouvèrent l’évocation des sels dans les remèdes autant que pour la cicatrisation. De même, plusieurs passages évoquaient la teinture de fleur de pavot.
Marie retranscrivit fidèlement ce qui éveillait en elle une curiosité, un soupçon ou un frisson. Ensuite, elle reprit les notes abondantes de Philippus. Elles tenaient des cahiers entiers, glanées aux cours de ses pérégrinations. Elle les relut, certaine d’avoir déjà vu cette allusion à la liqueur de pavot.
Elle la trouva dans une note sur une sorcière que son père avait rencontrée en Arménie. Elle évoquait une recette censée prolonger la vie et empêcher la nécrose des tissus. Philippus y avait écouté son propre commentaire : serait-ce cette teinture dont Adam et les patriarches de l’époque antédiluvienne se servaient pour approcher l’immortalité ? Dans la préparation entrait une eau « qui sentait l’œuf » et une liqueur de fleur du sommeil. S’ajoutaient aussi la nécessité d’un alignement de planètes au regard de la Lune et divers chiffres à prononcer au moment exact où la triple unité serait atteinte.
— Cela m’avait semblé trop énigmatique à l’époque, même si cette femme avait prétendu vivre depuis trois cents ans.
— Qu’est-ce que la triple unité ? demanda Marie.
— On l’appelle aussi « acharat ». Elle symbolise le feu, la vapeur, la puissance. Les Hébreux y font souvent référence. Certains ont même pensé la recréer par le biais d’un athanor, s’amusa Philippus.
— Parle-moi de cette teinture.
— On en sait peu de chose. Elle avait, prétendait-on, le pouvoir de prolonger la vie en écartant la vieillesse, mais n’empêchait pas une mort accidentelle. De nombreux philosophes la citent. Certains racontent que c’est dans l’Atlantide qu’elle fut créée. L’Atlantide était une île volcanique si l’on en croit sa légende. De la lave qui s’écoulait interminablement en une rivière vers la mer étaient extraits de nombreux minéraux et ses vapeurs soufrées permettaient la guérison de certaines maladies de peau.
— Comme à Montguerlhe. Isabeau utilisait-t-elle cette eau soufrée ? demanda Marie, songeuse.
— Oui, par nécessité, avoua Philippus. La source était la seule à alimenter les souterrains de Montguerlhe. Je t’avoue que l’odeur qu’elle dégageait n’incitait pas à y tremper son nez, mais j’ai fini par y prendre goût. Comme à ces autres parfums qui m’avaient rendu heureux, ajouta-t-il avec nostalgie en caressant la tête de la louve.
— Qu’a-t-elle ? demanda Marie qui la voyait s’agiter sous cette main chérie.
Philippus s’agenouilla devant Ma.
— Qu’avons-nous oublié ? demanda-t-il.
Ma s’écarta de lui et posa sa patte sur les notes que Marie avait dégagées.
— La teinture, père, comprit Marie. La teinture de cette vieille femme est la clé.
— Peut-être. Mais il y a autre chose. Quelque chose qui
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