La vengeance d'isabeau
Albérie n’aurait jamais enlevé Antoinette-Marie. Mais elle avait tout perdu. Elle est venue me rejoindre à Paris où je m’étais réfugiée et comptait demander une rançon pour la petite. Je l’en ai dissuadée.
— Où est-elle ?
— Pourquoi la livrerais-je à présent, puisqu’elle ne sera pas pendue ? Il me suffirait de l’entraîner dans mon sillage une nuit de pleine lune.
Isabeau s’étonnait elle-même de son audace et de sa cruauté qui se nourrissaient désormais de la fascination qu’elle lisait dans le regard de François.
— Il me serait facile de t’emprisonner pour parjure, connivence avec les hérétiques.
— Sous quelles preuves ?
— Les faux témoins se paient.
— Mes relations sont plus influentes que les vôtres, Chazeron.
— Certes, mais à la pleine lune chacun pourrait découvrir le véritable visage de la sorcière que je t’accuserai d’être.
Il éclata de rire et s’assit négligemment sur un coin du bureau.
— Cette joute ne nous mène à rien, reprit-il. Nous sommes semblables désormais. Faisons la paix. Rends-moi ma fille et j’oublie ce que je sais.
— Qu’y gagnerais-je ?
— Tu n’y perdrais rien de ce que tu as acquis, ce qui est déjà beaucoup, non ? Et qui sait ? Peut-être finirais-tu par accepter l’évidence de ton propre désir ? Ensemble, notre pouvoir serait immense. Songes-y. Tu m’appartiens, Isabeau, et tu aimes cette servitude, sans quoi tu n’aurais pas passé toutes ces années à me haïr.
— Je vais y réfléchir, Chazeron, mais vous devez savoir qu’Antoinette-Marie ne sera pas facile à convaincre et à arracher à ses amis.
— Conduis-moi à elle. Tu lui diras la vérité.
— Vous viendrez seul. Sans gardes. Si elle a peur, elle s’enfuira.
— Ma lame écartera tes manigances, s’il t’en prenait l’envie.
— Demain, à la tombée de la nuit. Porte du Temple. Je vous y attendrai.
— Soit.
Il se leva, la salua d’un clin d’œil et sortit de la pièce, satisfait. Alors seulement, Isabeau se prit la tête entre les mains, épuisée.
— Tu as été parfaite, la félicita Jean en la rejoignant.
— Et s’il faisait du mal à Marie ? S’il découvrait la vérité ? Jamais je ne me le pardonnerais.
— Marie est fine et rusée. Elle saura se défendre, bien plus sûrement l’abuser. Allons à présent. Il faut nous préparer.
Isabeau hocha la tête. Cette fois, elles étaient quatre, unies par le même destin, la même connivence, la même force. Il ne pouvait rien leur arriver.
Elle enroula ses bras autour du cou de Jean et chercha ses lèvres avec volupté. François de Chazeron avait tort. Elle ne lui appartiendrait jamais.
8
L’abbé Boussart dévisagea Philippus de la tête aux pieds comme s’il lui fallait jauger à sa mise sa sincérité. Il hésita longuement puis poussa un soupir à fendre l’âme. Lui donner l’information que le médecin était venu chercher lui coûtait. Il n’avait pas totalement confiance en ce Jean Calvin, dont Isabeau elle-même se méfiait. De fait, Calvin affichait ouvertement sa préférence envers Erasme, contre Luther. Ce Paracelse n’était-il pas là pour troubler à son tour leur assemblée ? Calvin n’aurait-il pas conclu un pacte avec Chazeron pour retrouver l’enfant et perdre Isabeau devenue trop influente ?
Le regard de Philippus restait droit, fier et sincère. Il vibrait d’un espoir intense qui décida finalement l’abbé :
— Soit ! Si votre désir de retrouver Marie est légitime, il est de mon devoir de vous aider. Cependant, sachez que vous serez impitoyablement jugé si vous vous attaquez à notre combat de quelque manière que ce soit.
— Je ne suis ni traître ni parjure, l’abbé. Je cherche simplement la trace de ma fille.
— En ce cas, ce soir, votre destin se jouera. Nous verrons qui, de Dieu ou du diable, guide vos pas. Jean Calvin vous conduira.
Philippus le remercia puis, dans le sillage de Calvin, s’éloigna le long des ruelles. Un instant, il eut le sentiment d’être épié et se retourna, mais il ne vit rien que la foule bigarrée qui se pressait aux marches de Nostre-Dame, rien qu’un nain qui tendait sa sébile en chantonnant :
— Pièce tombée, pièce perdue. Pièce perdue, pièce trouvée aux petites mains.
Le temps d’un passant interposé sur son chemin, l’homme avait disparu. Philippus s’en réconforta. Si on le suivait ainsi,
Weitere Kostenlose Bücher