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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Une façon comme une autre de se venger. Elle le regretta un instant, mais chassa ses remords d’un geste de main, en même temps que la mouche grasse posée sur son front. Ce qu’il restait de l’endroit était bien suffisant pour sa souvenance.
    Elle trouva Jean et Huc attablés. Un abbé déjeunait avec eux, qui lui sembla familier. L’homme, d’un âge certain, écarquilla les yeux et bredouilla malgré sa bouche pleine :
    — Par tous les saints du Paradis ! Albérie, vous êtes en vie !
    Le timbre de la voix la ramena onze ans en arrière et elle s’avança avec plaisir au-devant de sa panse rebondie :
    — Frère Etienne ! Je vous croyais quant à moi enterré sous vos notes et depuis fort longtemps.
    Il se leva et l’étreignit avec tendresse, puis, s’écartant d’elle, pointa un doigt accusateur vers Huc.
    — Me faire consigner ses funérailles, à moi, ton propre frère ! Sacrilège. Double sacrilège ! Tu devrais avoir honte du nom que tu portes, Huc de la Faye !
    Huc partit d’un rire sonore. Il s’était préparé à la réaction de son aîné.
    — Que pouvais-je d’autre, Etienne ? Te mettre dans le secret aurait risqué de te faire pendre. Et de fait, j’ignorais ce que mon épouse était devenue ces années durant.
    Etienne laissa retomber sa colère et serra avec empressement les mains d’Albérie.
    — À la veille de mon trépas, j’apprends cette vérité qui apaise de vieilles blessures. Ainsi, Antoinette-Marie est sauve et les soupçons de mes supérieurs sont confirmés. Chazeron avait bien ce pouvoir démoniaque du garou. Je me languis de le voir de mes propres yeux. Ensuite, nous érigerons un bûcher et tous pourront voir sa monstrueuse dépouille se purifier par les flammes. Le pays enfin pourra renaître dans la paix du Christ.
    Albérie frissonna malgré elle. Un bûcher risquerait d’attirer là un de ces familiers de l’inquisition toulousaine. Il poserait des questions, examinerait le corps, s’apercevrait de sa dissection et mènerait enquête. Tout son être se révulsait à cette perspective. Huc dut percevoir sa peur car il intervint aussitôt.
    — Non, Etienne. Rien de tout cela ou de grands malheurs s’abattraient sur ces terres !
    — Mais enfin, Huc, de quoi veux-tu parler ?
    — Oserai-je avouer à ses gens que nous avons traqué et tué Chazeron, leur maître ? L’habit que tu portes suffirait-il à m’empêcher d’être jugé pour trahison ? Nul ne peut reconnaître Chazeron sous ce nouveau visage et sa disparition seule me condamnerait. Tout comme Albérie d’avoir enlevé Marie autrefois, même si aucun mal ne lui fut fait. Qui acceptera de croire qu’elle l’a ravie à ses parents pour la préserver du Malin ? Qui, mon frère ? En ce pays, on est prompt à brûler et à juger ensuite. Toi-même de par nos liens de parenté serais soupçonné d’avoir falsifié les registres que tu tiens. Antoinette-Marie et Albérie y sont mortes sous ta plume et la foi de mon serment.
    L’abbé se rassit et une sueur aigre baigna son front qu’il épongea à un coin de nappe.
    —  Hélas, il dit vrai, frère Etienne, insista Albérie. Ne vaut-il pas mieux oublier ? La paix viendra dans les cœurs si la bête ne surgit plus. Et, croyez-le, elle ne surgira plus.
    —  La verrai-je seulement ? demanda Etienne, vaincu par ces évidences.
    —  Dès que ce médecin dont je t’ai parlé aura fini de l’examiner. Ce cas de science l’intéressait au plus haut point.
    —  Écrira-t-il un traité de lycanthropie ?
    —  Je l’ignore. Lui-même l’ignore encore. Mais l’occasion était trop belle d’étudier la bête.
    —  Je le ferais si je le pouvais encore. Mais je ne suis plus qu’un modeste et fort vieil annotier. Je me sens las tout à coup, Huc.
    —  Votre grand âge y est pour quelque chose, sans doute, s’apitoya un instant Albérie.
    L’œil vif et courroucé du vieillard (il allait sur sa soixante-dixième année) s’alluma.
    —  Je penche plutôt pour cet appétit que vous m’avez coupé et qui me rappelle à l’ordre. Tranchez-moi donc cette salaison de lard et accompagnez-la d’un pichet de vin, que j’y puise toutes les raisons du monde de ne pas vous maudire.
    Albérie se retint de rire autant que Jean, Huc et Bertrandeau, et s’appliqua à satisfaire l’appétit de son beau-frère. Ils mangèrent perdus dans leurs pensées respectives puis Etienne troubla le silence.
    —  Il faut annoncer la

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