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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pouvait s’inverser. On brûla le cadavre dans la vaste cheminée de la tour de guet, par morceaux. Du seigneur de Vollore et Montguerlhe, ne resta plus bientôt que la pestilence d’une âcre fumée noire qui lécha les murs de la pièce, les poutrelles de bois, et força chacun à sortir.
    L’odeur de chair brûlée rôda longuement par-dessus les toits de la contrée puis, chassée par un vent d’est, s’en fut se perdre et s’oublier.
    Les cendres du tourmenteur furent transportées par Isabeau au sommet de cette tour d’où trente et un ans plus tôt Chazeron guettait l’acharnement des loups sur son corps violenté. Isabeau les emprisonna tant qu’elle put entre ses doigts, puis ouvrit ses mains par-dessus les vallons et murmura :
    —  Puisse Dieu te pardonner, ce que je ne pus jamais !
    Ensuite seulement, après avoir remercié Bertrandeau pour sa complicité et son amitié, le laissant rejoindre les siens, satisfait d’avoir épuré la contrée, ils s’en retournèrent à Vollore, l’âme légère et le cœur en paix.
     
    La porte s’ouvrit en silence. La chambre moniale était éclairée d’une simple bougie et seul un air vif soulevait les rideaux épais, délivrant par intermittence un rai de soleil.
    Antoinette était alitée et, selon l’abbesse, ses jours étaient comptés. À chacune de ses toux purulentes le contour de ses paupières se cernait davantage d’un violet profond. Elle était pâle autant que les draps blancs. Marie en frissonna mais s’avança pourtant, encadrée par Huc et Albérie. Elle avait accepté de jouer le jeu. Peut-être parce que de lointains souvenirs la lui rappelaient aimante et rieuse, cette femme qu’autrefois elle appelait mère.
    La novice tapota l’épaule de la dormeuse.
    —  On vous visite, dame Antoinette.
    Elle ouvrit les yeux, s’attarda un instant sur les visages qui s’approchaient d’elle, puis les referma en murmurant :
    —  Un beau rêve me tenait. J’y voyais ma fille. Ne m’éveillez plus, mon bon Huc.
    —  Allons-nous-en, souffla Marie que des larmes étreignirent malgré elle.
    —  Nous avons promis, l’encouragea Albérie, touchée par des remords tardifs.
    —  Non, elle a raison, intervint Huc dont le regard s’était fait douloureux. Il est trop tard.
    Trouvant soudain en elle un courage fait de tendresse, Marie s’avança jusqu’au lit et prit entre les siennes la paume décharnée d’Antoinette.
    —  Je vous suis revenue, mère. Huc me ramène auprès de vous, il m’a retrouvée.
    Antoinette battit des cils et sourit. De sa main libre, elle envoya un geste gracieux cerner les contours du visage noyé de larmes sincères.
    —  Oui, chuchota-t-elle en retenant une quinte de toux dans sa poitrine sifflante. Tu lui ressembles. Mon Antoinette avait des yeux ronds comme les tiens.
    —  Je suis Antoinette-Marie, mère. On me ravit à vous enfant.
    —  Je le savais. Je l’ai toujours su. Je l’ai supplié de ne pas me séparer de toi, mais il disait que tu étais morte. Il voulait me voir devenir folle pour me répudier, mais il n’a pas réussi. Je suis restée sa femme. Tu lui as échappé. Comme moi.
    Elle referma les yeux sur sa douce démence.
    —  Il est mort, mère. Votre époux est mort.
    Un instant, ces mots n’éveillèrent aucun écho, puis des larmes se mirent à couler sur les joues émaciées et les doigts serrèrent ceux de Marie.
    —  Huc, mon cher Huc, est-ce vrai ? Chuchota une voix noyée.
    Huc s’approcha à son tour tandis qu’Albérie reculait, laissant l’obscurité l’avaler tout entière. Cette femme avait été sa rivale. Albérie n’avait fait que se protéger, elle ne lui avait pas pris sa fille, elle avait emmené sa nièce. Rien de plus. Rien que de légitime. Elle n’était pas responsable de ce qu’Antoinette avait fait du reste de son existence. Seul Chazeron l’était. Et cependant, elle en était bouleversée.
    Huc s’agenouilla à son tour et chassa sur le front blanc une mèche argentée. La réclusion l’avait changée. À moins de quarante ans, Antoinette ressemblait à une vieille femme.
    —  Votre époux est défunt, dame Antoinette. Je l’ai tué pour sauver Antoinette-Marie. Antoinette-Marie que j’ai retrouvée vivante et belle. Comme vous l’êtes encore.
    Son regard d’une infinie tendresse balaya leurs visages tourmentés.
    —  J’ai tant prié. Oui, tant prié. Mon Antoinette. Mon bébé. Mon amour. Mes amours perdues.
    Elle

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