La vengeance d'isabeau
torches. Son cœur se serra. Dieu qu’il les admirait, Dieu qu’il les aimait ! Il s’engagea dans le souterrain le premier pour guider Jean, Constant, Huc et Bertrandeau, suivit un instant la lueur qui le précédait puis obliqua vers la droite.
En pénétrant dans la grotte, Isabeau se mit à tousser, gênée par ces vapeurs de soufre que son corps refusait de reconnaître. Elle s’était habituée à d’autres odeurs. Celles-ci lui donnaient la nausée et ramenaient en elle le dégoût de ce qu’elle avait été.
— Est-ce que tout va bien, grand-mère ? S’inquiéta Marie.
Isabeau hocha la tête en étouffant un spasme nauséeux. Marie regarda les deux louves disparaître dans l’ombre vers la forêt, tandis qu’Isabeau se forçait à avancer.
— Moi aussi, j’ai peur, dit Marie.
— Il ne faut pas, affirma Isabeau en enflammant les torches couvertes de toiles d’araignées encore piquées sur les murs.
Une douce lumière se répandit sur les pierres, dissipant l’angoissante pénombre.
— Sera-ce long ? demanda Marie en se rapprochant de sa grand-mère.
Elle était effrayée et Isabeau passa un bras affectueux autour de ses épaules.
— Non, je ne pense pas. Tu n’as rien à craindre, Marie. Il ne te fera aucun mal. Je suis persuadée qu’il t’a jugée sur tes actes depuis que tu as investi Vollore. Qui d’autre à part toi pourrait assurer sa descendance ? Son sang coule en tes veines. Il ne te tuera pas. Il l’aurait déjà fait.
— Mais toi ?
— Moi ?
Elle partit d’un rire triste. Comment lui dire qu’elle était venue ici pour mourir ? Pour les sauver toutes trois ? Comment lui dire qu’elle n’avait plus d’angoisse, qu’elle avait cette intime conviction que le temps était venu ?
— Ne t’inquiète pas pour moi. La seule différence entre hier et aujourd’hui, c’est qu’il porte son véritable visage au lieu de le cacher. Ce sera plus facile. À présent, fais ce que je t’ai dit. Enferme-toi dans cette pièce et n’en sors pas avant que je t’appelle.
— Je ne comprends pas… commença Marie.
— Tu comprendras. Plus tard. Obéis-moi, Marie. Pour l’amour des tiens. Fais-moi confiance. Il doit me croire seule. Sans quoi il ne viendra pas et nous ne pourrons nous en débarrasser. Va.
Marie se glissa à contrecœur dans la salle mortuaire qu’Isabeau avait balayée de sa torche pour s’assurer qu’elle était vide. Elle obéirait mais avec l’étrange sentiment qu’Isabeau dictait d’autres règles que celles qu’ils avaient établies tous ensemble.
Isabeau alluma la torche qui faisait face à la longue table sur laquelle tant de fois elle avait dépecé et observé les cadavres. Les flacons étaient brisés sur des restants d’étagères, Chazeron avait raflé ceux qui contenaient les embryons des monstres qu’elle avait engendrés. Il n’avait pas su les utiliser. Il n’avait pas reproduit l’alkaheist. Tout son travail avait été perdu. Elle serra les dents, refusant de s’attarder sur les vestiges pourris et couverts de poussière de ces heures de labeur. Elle s’appuya au plateau qu’elle avait autrefois taillé dans des arbres morts pour s’assurer de sa solidité, puis s’immobilisa en percevant le souffle rauque derrière elle.
— Je t’attendais, dit-elle simplement.
Et de ses mains qui ne tremblaient pas, elle se déshabilla.
— Tu avais raison, François. Je t’appartiens. Je l’ai toujours su, dit-elle d’une voix calme en lui faisant face, offrant à ses yeux rougis de haine le sceau des Chazeron sur sa poitrine nue. C’est ainsi que tu me voulais, n’est-ce pas, au lendemain de mes noces ? C’est ainsi que je viens à toi aujourd’hui. Plus de masque, plus de faux-semblants, plus de vengeance. Juste toi et moi. Là où tout a commencé. Ensuite, tu pourras me tuer ici même ou me garder à tes côtés pour te servir. J’y suis soumise. Je ne te demande qu’une faveur. Laisse nos enfants vivre en paix sur cette terre. Tu as toujours été le maître. Et moi, rien d’autre qu’une servante. Aujourd’hui, je le sais. Et je vais te le prouver.
Elle s’approcha sans faillir, sans quitter ce regard pervers des yeux, et referma ses doigts sur le sexe dressé de convoitise. D’une main griffue il la gifla, la projetant contre la table qu’elle venait de quitter, puis se jeta sur elle et lécha la marque de sa servitude avec sa langue râpeuse de loup. Alors, Isabeau ferma
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