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La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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le duc de Guise et le conseil des Seize n’aient rien tenté. Envoyer des milliers d’hommes mal armés à
     l’assaut de la forteresse, c’était provoquer un bain de sang sans être assuré de la victoire. Pour l’instant, les ordres étaient
     donc d’isoler le palais en fermant toutesles voies y conduisant par des barricades. Assiégé par cinquante mille Parisiens, sans possibilité d’être ravitaillé, le roi
     ne pourrait que se rendre.
    Guise recherchait d’autant plus la victoire par la négociation, qu’il ne voulait pas apparaître comme un rebelle. Il fallait aussi qu’il garde ses troupes intactes, car il savait qu’il en aurait besoin plus tard pour se faire obéir de la populace. Il était d’ailleurs prêt à écraser les rebelles une fois que le roi l’aurait nommé lieutenant général du royaume! Voilà pourquoi il s’était montré généreux en rendant aux gardes du corps et aux gardes suisses les armes déposées lors de leur capture.
    Évidemment ces atermoiements et cette magnanimité n’étaient pas compris de la populace, comme Poulain le constata en circulant
     entre les barricades. Galvanisé par les curés et encouragé par les chefs de la sainte union, le peuple grondait, refusant
     la clémence envers le roi, la cour et les politiques. Nicolas entendit un prêtre, juché sur une borne qui sermonnait ainsi
     ses ouailles :
    — Dieu veut que Henri de Valois lui appartienne. Puisqu’il a protégé les hérétiques, il faut que, dès demain, frère Henri de Valois fasse pénitence dans le cloître des capucins!
    La foule approuvait bruyamment en maudissant le roi. Plus loin, d’autres attroupements grondaient autant. Il se mêla à eux.
    — Pourquoi ne pas attaquer le Louvre? lança un savetier. Attendons-nous que le duc d’Épernon amène au roi les troupes de Normandie?
    Partout le peuple désirait l’affrontement, ne doutant pas de la victoire. Que signifiaient ces pourparlers? Pourquoi était-ce si lent? Les plus agressifs assuraient que les négociations allaient se faire – comme toujours – aux dépens des pauvres gens.
    En vérité, chacun voulait surtout participer au pillage du palais dont on disait qu’il était rempli d’or.
    — Depuis deux ans, nous sommes trahis! renchérit un huissier à verge du Châtelet. Les chefs du parlement et leséchevins sont tous vendus au roi. Ils auraient dû, dès cette nuit, être traînés aux fourches de Montfaucon!
    Chacun renchérissait à ces accusations et ces condamnations. Nicolas s’éloigna, mais plus il entendait de propos de ce genre,
     plus il redoutait des suites sanglantes. Il se reprochait aussi amèrement d’avoir vécu sur des illusions. Au cours de ces
     années, il avait cru que la Ligue ne représentait qu’une faction. Maintenant, il prenait conscience que c’était la ville entière
     qui s’était rebellée. Il fallait qu’il l’admette : Paris n’aimait pas son roi, ou plutôt ne l’aimait plus. Les liens étaient
     consommés, et comme dans les couples désunis, l’aversion avait remplacé l’amour.
    Au détour d’une rue, en écoutant un rassemblement, il apprit que le duc de Guise avait finalement décidé d’envoyer quinze
     mille hommes du côté des Tuileries et de la Porte Neuve 2 si le roi ne se soumettait pas dans la journée.
    On lui assura que l’Hôtel de Ville et l’Arsenal avaient été pris, que les échevins étaient emprisonnés, que la Bastille était
     aux mains de Bussy Le Clerc. La furie croissait et augmentait d’heure en heure. Autour du Louvre, des centaines de moines
     dressaient de nouvelles barricades avec des poutres et des tonneaux tout en chantant les matines.
    Ne pouvant entrer dans le château en passant par le pont dormant à cause des barrages, Nicolas se rendit jusqu’à la porte
     Saint-Honoré dont on lui avait dit qu’elle était encore loyale. En se faisant connaître, il espérait convaincre un officier
     de le conduire au palais. Hélas, les bourgeois en avaient pris possession et avaient même interdit l’entrée à un régiment
     de gardes. Le roi ne tenait donc plus que la Porte Neuve, malheureusement elle aussi inaccessible par des barricades ligueuses
     devant les Tuileries.
    Nicolas revint donc sur ses pas en réfléchissant à la manière d’entrer par le pont dormant. Midi sonnait quand il arriva à
     la Croix-du-Trahoir, au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de l’Arbre Sec. Un corps desséché se balançait sur

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