La ville qui n'aimait pas son roi
silencieux.
— Merci, monsieur Poulain, dit Henri III. Nous allons tenir conseil dès que j’aurai reçu l’envoyé de ma mère, qui est chez M. de Guise. Les négociations auront peut-être une heureuse fin. Je vous ferai appeler plus tard.
Poulain tomba à genoux et supplia :
— Ayez pitié de moi, sire, qui suis le premier de vos serviteurs. Pour votre service, j’ai été contraint d’abandonner ma famille. Ma maison a été pillée, je n’ai plus un sol et ma femme a été enfermée dans le couvent de l’Ave-Maria.
— Monsieur Poulain, dit le roi, visiblement ému par la fidélité de cet homme à un moment où tout le monde l’abandonnait, je suis fâché de ne pas avoir mieux cru vos avis. Le mal et le péril étaient plus grands que je ne l’avais estimé. Je crains que des traîtres – ou des mauvais conseillers – m’aient abusé. Quoi qu’il arrive, vous resterez auprès de moi.
Il se tourna vers le Grand prévôt de France.
— Monsieur de Richelieu, vous équiperez mon prévôt et lui remettrez cinq cents écus en attendant les vingt mille livres que je lui ai promises. Vous mettrez à sa disposition des gens d’armes pour faire prisonniers ceux de la Ligue qui pourraient se cacher à la cour. Que pouvez-vous faire pour son épouse?
— Rien, sire! Toutes vos prisons sont aux mains des ligueurs, même la Bastille. Mais l’abbesse de l’Ave-Maria est la cousine de Mme de Retz. La duchesse pourrait faire une lettre pour adoucir son séjour.
— Je le lui demanderai.
» Ne craignez rien, mon ami, dit-il à Poulain. Votre femme sera bien traitée. S’il le faut, j’irai jusqu’à en parler au duc.
— Je vous en supplie, sire, n’en faites rien! Mon épouse n’est pas la seule prisonnière. Il y a Mme de Saint-Pol avec elle.
— Ah! fit le roi impassible tandis que Villequier haussait un sourcil sans comprendre.
Henri III tourna le dos à Poulain et sortit sans un mot.
Poulain fut conduit par Ornano dans une salle de gardes où on le soigna et l’équipa. En chemin, le vieux colonel le remercia
d’avoir parlé franchement. Lui et O avaient déjà préparé la fuite du Louvre avec l’armée des Suisses, les quarante-cinq et
la garde corse. Seul Villequier s’y opposait. Sa plaidoirie allait enfin décider le roi.
Le conseil fut apparemment assez bref, puis l’agitation s’empara du palais. Vers cinq heures, le marquis d’O vint chercher
Nicolas qui rejoignit un groupe de gentilshommes dans la salle des cariatides. Il y avait là M. de Petrepol, le duc de Montpensier,
le maréchal de Biron, le seigneur d’O, le chancelier M. de Villeroi, le surintendant M. de Bellièvre, et enfin Villequier,
à l’écart, qui tripotait rageusement la poignée de son épée.
O vint échanger quelques mots avec Poulain, le remerciant pour son courage.
Enfin le roi arriva avec son valet de chambre M. Du Halde. Il paraissait détendu, soulagé, presque indifférent maintenant
que sa décision était prise. Une baguette à la main, il partit devant.
— Si nous allions nous promener aux Tuileries? proposa Henri III quand ils furent dehors.
C’était là que se trouvaient les écuries. Tout au long de la Seine, Ornano et Biron avaient rangé les troupes de Suisses et
les gardes françaises du Louvre, n’en laissant que quelques-unes dans le palais. Un grand nombre de chariots attendaient.
Poulain compta qu’il y avait seulement seize gentilshommes autour du roi, mais que derrière eux les quarante-cinq étaient
présents, avec M. de Cubsac.
À l’écurie, Du Halde botta Henri III et lui mit son éperon à l’envers. Il voulut l’arranger mais le roi le repoussa avec agacement :
— C’est tout un! Je ne vais pas voir ma maîtresse, nous avons un plus long chemin à faire.
Il monta à cheval, avec ceux de sa suite et deux valets de pied, puis le groupe sortit par la Porte Neuve. Derrière lui, l’armée
des Suisses et des gardes du corps s’ébranla.
François de Richelieu et Nicolas Poulain étaient restés en arrière avec des Suisses, car on sut vite chez les ligueurs que
le roi partait. Assez rapidement une troupe de factieux arriva, mais par la négociation le Grand prévôt parvint à les convaincre
de ne pas tenter de passer en force. Cette conférence permit au roi de s’éloigner et donna plus tard un nouveau nom à la Porte
Neuve qui devint la porte de la Conférence.
Sur le chemin de Saint-Cloud, Henri III
Weitere Kostenlose Bücher