La ville qui n'aimait pas son roi
qu’ils se retrouvent à midi devant
la Croix-du-Trahoir. Il tenterait ensuite d’entrer dans le Louvre.
Venetianelli leur répéta aussi ce qu’il avait entendu dans les rues. Sur l’humiliante retraite des Suisses et des gardes françaises,
il ne leur apprit rien. En revanche, il leur dit que des négociations avaient commencé entre la reine mère et le duc de Guise.
Celui-ci, pour montrer sa loyauté, avait fait libérer le marquis d’O et le colonel d’Ornano qui avaient été raccompagnés au
Louvre par le duc d’Aumale.
On ne savait pas grand-chose des conférences entre Catherine de Médicis et les Lorrains mais on disait que le duc (qui avait
refusé de se rendre au Louvre) assurait n’être pour rien dans le tumulte, qu’il ferait tout pour éteindre ces feux, et qu’il
voulait seulement servir la couronne. Mais il avait aussi souligné qu’il était malaisé de retenir un peuple échauffé.
Pour pacifier Paris, le Balafré avait fait des propositions qu’il jugeait raisonnables : il demandait tout, hormis la couronne. Il voulait le titre de lieutenant
général du royaume, la totale disposition des armées et des finances, et que le cardinal de Bourbon soit déclaré l’héritier
du trône.
Le lendemain, après une nuit de cauchemars où ils n’avaient eu de cesse de penser aux prisonnières sans doute serrées dans
une glaciale cellule, à quelques toises d’eux, Nicolas quitta Olivier et François pour se rendre au Louvre.
Il y avait moins de barricades, et il était plus facile de les franchir puisque la Ligue était maîtresse de la ville dont
elle tenait toutes les portes, sauf la porte Saint-Honoré et la Porte-Neuve, situées le long de la Seine.
À cette époque, le palais était encore en grande partie la forteresse de Philippe Auguste et ne ressemblait que peu au Louvre
actuel. Certes, François I er avait démoli le grand donjon et Henri II, puis ses fils, avaient construit deux corps de logis 1 sur les murs d’enceinte et les tours de la forteresse carrée, mais au nord et du côté de la ville subsistaient la vieille
muraille, ses salles moyenâgeuse et les tours rondes, en poivrière, que l’on voit dans les enluminures des Riches heures du duc de Berry .
Du côté de la Seine, à partir de la tour du Coin jusqu’à la rue Saint-Honoré, où se dressaient encore des pans de la vieille
porte, serpentait l’ancienne enceinte qu’avait fait construire Philippe Auguste. S’y adossaient le corps de garde du pont
dormant du Louvre et un jeu de paume. En face s’étendait l’hôtel de Bourbon, qu’on appelait aussile Petit-Bourbon : une immense demeure féodale entourée d’une enceinte crénelée en ruine. Construit sous Charles V par Louis
de Clermont, duc de Bourbon, ce château avait été en partie détruit après la trahison du connétable Charles de Bourbon passé
au service de Charles-Quint. Sa grande tour avait été à demi rasée en signe de félonie, la porte principale barbouillée de
jaune, couleur des criminels de lèse-majesté, et on avait semé du sel autour. Confisqués depuis 1527, les bâtiments encore
préservés servaient de garde-meuble, sauf la salle des gardes, une des plus grandes salles de Paris, qui servait de théâtre
et où l’on donnait des fêtes et des bals.
La tortueuse rue de l’Autriche séparait l’hôtel du Petit-Bourbon et la muraille du Louvre. En la montant de la Seine vers
la rue Saint-Honoré, on longeait donc l’enceinte à gauche tandis qu’à droite s’étendaient des ruelles, des jardins et des
hôtels de prince de sang ou de favoris. C’est là, le long de la rue des Poulies, que se dressait l’hôtel de Villequier. C’est
là encore, rue des Fossés-Saint-Germain, que Maurevert avait tiré sur l’amiral de Coligny.
Avec l’émeute, le pont-levis de la rue Fromenteau avait été fermé, et le seul passage ouvert pour entrer dans le palais était
le pont dormant de la rue de l’Autriche, mais pour le franchir il fallait d’abord passer le corps de garde, sorte de barbacane
construite contre la muraille de Philippe Auguste, puis une seconde salle qui, elle, communiquait avec la cour.
Dans cette forteresse protégée par des couleuvrines et défendue par des centaines de Suisses et de gardes françaises, le roi
n’était pas en danger, car il aurait été impossible aux ligueurs, sinon au prix d’immenses pertes, d’y pénétrer.
Ceci expliquait que
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