La ville qui n'aimait pas son roi
Où sont vos épouses?
— Elles sont parvenues à s’enfuir ce matin, monseigneur, dit Poulain. Nous ignorons où elles sont. C’est à la suite de cette évasion que Louchart et Le Clerc nous ont surpris.
— Où ont-elles pu aller?
Poulain soupira en se passant une main sur le visage. Il se sentait désemparé.
— Certainement pas chez moi! Mme de Saint-Pol a pu choisir d’aller chez sa mère, rue du Fer-à-Moulins, ou de retourner au logement où elle vivait avec Olivier.
— Je pencherai pour Scipion Sardini, dit Olivier.
— Vas-y! proposa Nicolas, je me rendrai rue Mauconseil.
— Mon fils, intervint le cardinal, je suppose que Louchart et Le Clerc savent que tu as des enfants…
— Oui.
— Il va les prendre en otage, c’est certain. Cours chez toi avec mon capitaine des gardes qui les escortera à l’abbaye où vous me rejoindrez. Quant à vous, monsieur Hauteville, si vous retrouvez ces dames, conduisez-les aussi à l’abbaye. J’ai ma litière ici avec la suite de mon escorte. Restez avec moi jusqu’à la porte Saint-Germain, ce sera plus prudent pour vous de sortir de Paris en ma compagnie.
Les deux amis se séparèrent à l’écurie proche où ils avaient laissé leurs chevaux. En passant, ils remarquèrent avec un brin
d’inquiétude que le Porc-Épic était fermé, mais ils n’avaient pas le temps d’aller voir Guitel.
Nicolas partit avec le capitaine des gardes de l’abbaye et quatre de ses hommes. Arrivés devant le Drageoir Bleu, il toqua
à l’huis pendant que son escorte attendait. Sur la porte de sa maison, un placard précisait que le nommé Nicolas Poulain était
en fuite et que quiconque lui porterait assistance serait condamné à la hart. Quelques voisins le reconnurent avec surprise
mais les livrées des gardes de l’abbaye ne les incitèrent pas à se manifester.
— Qui est là? demanda une voix craintive que Poulain reconnut comme celle de son beau-père.
— C’est Nicolas, ne craignez rien, ouvrez-moi!
Les verrous grincèrent et la porte s’entrebâilla :
— Nicolas… Mais vous êtes…
— Je viens chercher les enfants, beau-père, lui dit-il. J’ai aussi beaucoup de choses à vous dire. Les gardes de Mgr le cardinal de Bourbon sont là pour me protéger. Ils attendront dehors.
L’épicier jeta un regard inquiet aux hommes d’armes devant sa boutique.
— Entrez vite. Avez-vous des nouvelles de Marguerite?
Nicolas le suivit dans la cuisine. Ses enfants jouaient avec leur grand-mère. Voyant leur père, ils se précipitèrent dans
ses bras en criant leur joie. Il les embrassa et les câlina tout son saoul. Deux de ses servantes étaient là aussi, interrogatives
et inquiètes. Enfin, il repoussa les gamins pour s’asseoir sur un banc et Marie, sa fille, lui grimpa affectueusement sur
ses genoux.
— Laissez-moi vous raconter, j’ai tant de choses à dire et si peu de temps! Marguerite s’est enfuie du couvent ce matin, je la cherche. Pour l’instant j’ignore où elle se trouve. Mon ami Olivier pense que son épouse Cassandre, qui l’accompagne, l’a conduite chez sa mère, au château de Scipion Sardini. S’il les retrouve là-bas, il les ramènera à l’abbaye de Saint-Germain. J’irai moi-même tout à l’heure où Cassandre et Olivier habitaient. Peut-être s’y sont-elles réfugiées.
— Pourquoi à l’abbaye? demanda son beau-père. Les hommes d’armes qui vous accompagnent portent les armes du cardinal de Bourbon…
Nicolas ne savait comment aborder le sujet. Devait-il tout dire devant les servantes? Finalement, il lâcha :
— Aujourd’hui, j’ai aussi retrouvé mon père.
— Votre père? s’exclama la mère de Marguerite.
— Oui, hier le duc de Guise était sur nos traces, nous avons dû quitter l’endroit où nous nous cachions et, ce matin, je suis allé supplier la seule femme qui pouvait encore m’aider : La reine mère, Mme Catherine de Médicis dont j’avais été le prévôt. C’est elle qui m’a dit qui il était… Mon père est Mgr Charles de Bourbon, dit-il avec solennité en détachant chaque mot.
— Le cardinal! murmurèrent toutes les femmes présentes, d’une seule voix.
— Oui, ma mère avait été servante chez lui quand il était gouverneur de Paris… Il nous a reçus, et a été heureux de me voir. Il nous a fait une lettre pour que Marguerite et Cassandre soient libérées, mais quand nous sommes arrivés au couvent, elles s’étaient
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