La ville qui n'aimait pas son roi
paraissait perturbé, mais comme il était peu probable que M. de Cubsac revînt à Paris
rapidement, Olivier se dit qu’il oublierait la jeune fille.
Le soir, un ami du marquis d’O leur offrit l’hospitalité. Il leur laissa deux grandes chambres au deuxième étage d’un corps
de logis. Olivier et Cassandre gardèrent la plus petite tandis que quatre d’entre eux passèrent la nuit dans l’écurie pour
surveiller l’or du duc de Guise.
C’est ce soir-là qu’Olivier et Maximilien de Rosny expliquèrent au marquis d’O qu’ils souhaitaient faire le partage le lendemain,
car avec Caudebec ils se rendraient directement à l’hostellerie de la Croix-Verte sans passer à Blois. O parut contrarié.
— Sa Majesté voudra vous remercier! Je connais bien le roi, et vous le désobligeriez fort en partant ainsi sans lui dire adieu.
Rosny ne pouvait refuser au moment où Navarre recherchait à nouveau l’alliance avec Henri III. Par tempérament, il était d’ailleurs
secrètement flatté à l’idée de recevoir la reconnaissance du roi de France, aussi fut-il convenu que le partage serait fait
et que Caudebec et Cubsac se rendraient à la Croix-Verte avec la part de butin des protestants. Ils préviendraient les gens
d’Olivier de se tenir prêts, et quand Cassandre, Olivier et Rosny arriveraient, Cubsac retournerait seul à Blois.
De leur côté, Venetianelli et Montaigne rentreraient ensemble par la porte Clozeaux. Venetianelli ne voulait être vu ni avec
les gens du roi de France ni avec ceux du roi de Navarre. Un espion aurait eu vite fait de le rapporter au duc de Guise. Quant
à M. d’Ornano, il partirait directement vers Bourges avec deux chevaux portant son butin.
À la mi-novembre, en début d’après-midi, Dimitri, M. de Richelieu et Nicolas Poulain, suivis de cinq chevaux de bât, entrèrent
par la porte Clozeaux bien après le passage de Venetianelli et de M. de Montaigne. Ils se rendirent directement à l’hôtel
Sardini où l’or fut déchargé. Dimitri resta de garde, tandis que Nicolas Poulain et Richelieu partaient au château d’où le
Grand prévôt ramènerait une cinquantaine de Suisses.
À peu près au même moment, Cassandre, chevauchant en robe en amazone, le marquis d’O, M. de Rosny et Olivier passaient la
porte Chartraine.
1 En 1589, le duc de Mayenne, alors général des armées de la Ligue, prit Étampes. Pour avoir hébergé les voleurs de l’or de
son frère, le bailli Nicolas Petau fut tué et le prévôt Jean Audren pendu.
2 Vers 250 après. J.C.
3 On sait que Navarre, pour devenir roi, abjura à Saint-Denis et, voyant le tombeau de Catherine de Médicis, il eut un petit rire et déclara : Qu’elle est bien là!
4 Jusqu’à ce que Saint-Denis se donne aux Anglais quand les Bourguignons de Jean sans Peur en avaient été les maîtres.
5 J’ai entendu un bruit.
Ce n’est rien, un chat. Tout le monde dort!
6 Touches-y si tu oses!
28.
On accédait au château de Blois par trois rampes étroites bordées de murailles qui débouchaient sur un vaste terre-plein qu’on
appelait la basse cour. Celle-ci était entourée d’épaisses fortifications et de tours crénelées contre lesquelles s’élevaient
des communs, la collégiale Saint-Sauveur construite au xi e siècle, des logements pour les chanoines et quelques hôtels particuliers.
De cette cour, on pénétrait dans le château par un pont-levis sous une voûte surmontée de la statue à cheval de Louis XII
sculptée par Guido Mazzoni. C’était l’entrée principale, mais il y avait aussi des poternes et des passages secondaires comme
celui de la galerie aux Cerfs, entre le château et les jardins.
En franchissant le pont-levis, le marquis d’O s’aperçut que la garde était composée pour moitié de Lorrains et pour moitié
de Suisses. Cela lui déplut fortement et il allait faire une remarque à un officier quand il aperçut Nicolas Poulain devant
les arcades de la galerie longeant la chapelle Saint-Calais. Il fit avancer son cheval jusqu’à lui.
Le petit groupe traversa la cour qui avait à peu près la disposition actuelle si ce n’est qu’à la place du bâtiment construit
plus tard par Gaston d’Orléans s’élevaient des corps de logis disparates adossés à des tours carrées et précédés d’une terrasse
surélevée. Cette terrasse était appelée le porche aux Bretons , car c’était là que s’installait la
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