La ville qui n'aimait pas son roi
jamais été lavé. À neuf heures, il alla fermer
la porte du cloître et plaça la barre.
Couché dans le lit du portier, il dormit peu, se réveillant sans cesse. Le marquis d’O lui avait donné sa montre qui sonna
à trois heures. Il sortit avec une lanterne sourde et les clefs que le portier avait eu la bêtise de lui montrer. Dehors,
il ouvrit la porte de l’hôtellerie et monta à l’appartement du seigneur d’O. Les six catholiques étaient déjà prêts et descendirent
en silence au réfectoire, tous harnachés en guerre et porteurs de leur mousquet. De là, ils se rendirent aux écuries jusqu’à
la petite porte qui les faisait communiquer avec la grande remise. Venetianelli avait apporté un pot de suif avec lequel il
graissa les gonds et laserrure. Après quoi il introduisit la clef qu’il fit tourner en silence.
La lanterne masquée, M. d’Ornano risqua un regard. Un falot enfumait plus qu’il n’éclairait la salle. Quatre gardes sommeillaient
sur des bottes de paille. Dimitri en tête, ils s’approchèrent et les terrassèrent d’un coup sur le crâne. Ensuite, chacun
s’attela à une tâche précise. Venetianelli et Cubsac revinrent dans l’écurie seller les chevaux en les flattant pour éviter
qu’ils hennissent pendant que Dimitri allait chercher les doubles sacoches de cuir qu’ils avaient entreposées à la sellerie,
une petite pièce contiguë. Après quoi, il trancha les sangles des autres selles, puis il aida ses compagnons à emmailloter
les sabots avec des carrés d’étoffe découpés dans les tapis des tables de leurs appartements.
Déjà le marquis d’O, M. de Richelieu, Alphonse d’Ornano et Nicolas Poulain sortaient les caisses des chariots et les forcaient
les unes après les autres. Chacune contenait des pièces d’or en différentes monnaies. Par poignées, tout en évitant de faire
tinter le métal, ils commencèrent à remplir les sacs de cuir.
Ils avaient déjà vidé plusieurs caisses quand une voix forte brisa le silence nocturne :
— ¿ Todo está bien?
Presque aussitôt, on frappa des coups à la porte donnant sur la cour.
— Oí un ruido! insista la voix, impatiente, légèrement inquiète.
Ce devait être un des chevaliers hospitaliers de l’escorte.
Un doigt sur la bouche, Ornano fit signe aux autres de se placer de part et d’autre des doubles vantaux de la remise, puis
il lâcha d’une voix endormie, alors que tout le monde avait dégainé sa dague :
— No es nada, un gato. Todo el mundo está durmiendo 5 .
On ne répondit pas. Le silence revint pendant qu’ils tendaient l’oreille. Il y eut quelques bruissements, un grincement de
gonds, puis de nouveau le silence.
Ils retournèrent à leur activité. À mesure que les sacoches de selle étaient pleines, ils les transportaient aux chevaux pour
les attacher. Ces montures-là n’auraient pas de cavalier, et comme ils disposaient des chevaux des gardes, ils purent préparer
l’équipage au complet. Dimitri lia aussi les mâchoires des bêtes les plus ombrageuses.
Quand tout fut terminé, Venetianelli se rendit à la porte du cloître qu’il ouvrit pendant que les autres prenaient leurs propres
bagages. Dehors, il n’y avait personne. Il attendait, plein d’inquiétude, quand il sentit un frôlement et son cœur s’arrêta
de battre. Saisissant sa dague, il entendit murmurer à son oreille une voix de femme :
— C’est moi, Mme de Saint-Pol!
Elle poursuivit en chuchotant :
— Nous avons laissé nos chevaux dans un jardin plus bas. Je vais chercher Olivier.
— Les nôtres sont tous préparés, madame, car nous avons chargé ceux des gardes.
Il revint prévenir ses compagnons qui firent sortir les bêtes. C’était la partie la plus dangereuse, car le moindre bruit
pouvait donner l’alerte. Elle fut assez longue mais s’exécuta sans incident. Il était presque cinq heures du matin.
Chacun avait deux ou trois chevaux en longe. Ils remontèrent la rue le plus silencieusement possible jusque devant l’entrée
de l’abbaye, puis suivirent la rue de la Boulangerie vers la place aux Guesdes. Là, ils prirent le chemin de Paris, bordé
de couvents et d’enclos, jusqu’à la porte. Déjà de nombreux chariots de marchands attendaient l’ouverture, éclairés par des
falots suspendus à des perches. L’attente leur parut interminable tant ils étaient inquiets qu’on découvre le vol, mais finalement
la porte
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