La ville qui n'aimait pas son roi
silence.
— Mais je reconnais là le capitaine Clément! s’exclama-t-il. Avez-vous des nouvelles de votre cousin M. de Bordeaux?
Tous les regards se tournèrent vers le clerc tandis que la duchesse devint livide et que le père Boucher reculait imperceptiblement,
comme frappé d’horreur.
Olivier sut qu’il avait vu juste. Clément était lui aussi pétrifié. Ils disposaient donc de quelques instants, de quelques
secondes…
Il saisit Cassandre par la main et passa devant le groupe lorrain, se dirigeant vers les arcades où se trouvaient les chevaux
des visiteurs. Poulain sentit aussi qu’ils avaient un répit et entraîna Rosny.
La duchesse les laissa passer, l’esprit en désordre. Une terreur paralysante l’avait envahie. Comment savait-il pour Clément et Bordeaux? Cet homme était donc un démon?
— Madame, intervint Lacroix, ils rejoignent les Suisses! Nous pouvons encore nous occuper d’eux!
— Non! lâcha-t-elle, toujours immobile.
Elle vivait un cauchemar.
Arrivés aux arcades, ils n’avaient pas échangé un mot, personne n’avait posé de question. Ils avaient tous compris à l’instant
où Olivier avait désigné Clément et parlé de Bordeaux. Par prudence, Poulain ordonna à l’officier des Suisses de les escorter
avec une dizaine d’hommes. Leurs chevaux étaient restés sellés. Ils les montèrent et sortirent rapidement du château.
Ce n’est qu’en descendant le chemin qui les conduisait vers Saint-Martin et la grande fontaine qu’ils commencèrent à parler.
— Je vous accompagne à la porte Chartraine et j’irai ensuite prévenir le roi, dit Poulain. Galopez jusqu’à la Croix-Verte et éloignez-vous de Blois au plus vite. Ils vont tenter de vous rattraper sitôt qu’ils connaîtront la direction que vous avez prise.
— N’ayez crainte, dit Rosny. Nous passerons la nuit à Château-Renault où j’ai des amis. On ne nous cherchera pas si loin.
Même si leur entreprise avait été un succès, Nicolas resta un moment le cœur serré en les voyant passer la porte. Il restait
seul dans cette ville hostile, loin de sa famille, et il ignorait quand il reverrait ses amis.
29.
En plus de leur hotel particulier en ville, les Guise disposaient de plusieurs logements dans le château, dont unappartement pour le duc devant le porche aux Bretons , et des pièces de réception dans les anciens appartements de Louis XII, là où avaient vécu François II et la jeune reine
Marie Stuart, cousine des Guise.
C’est là que Mme de Montpensier se rendit sitôt la fin de l’altercation. Elle savait qu’elle y trouverait ses trois frères.
Sans se faire annoncer, écartant l’intendant qui barrait la porte, elle entra dans la salle où ils travaillaient.
Henri de Guise, en pourpoint de satin blanc étroitement ajusté et cape écarlate, était avec le cardinal Louis de Guise, en
robe rouge, et Charles de Mayenne, en casaque bleue brodée et passementée. Les trois frères préparaient la prochaine réunion
des États généraux dont Louis présidait le clergé.
Le cardinal de Guise ne cacha pas son mécontentement d’être dérangé par sa sœur, mais elle ignora son courroux.
— Mes frères, je suis bouleversée, fit-elle en se frottant les mains pour tenter de calmer son agitation. Il faut que je vous parle.
Henri, qui l’aimait beaucoup même s’il désapprouvait souvent son impétuosité, lui prit les mains et lui proposa de s’asseoir.
Le duc, qui était aussi prince de Joinville, gouverneur de Champagne et Grand maître de France, était autant aimé à Blois
qu’à Paris et lorsqu’on le voyait se promener dans les jardins à côté du roi, parlant avec lui des affaires du royaume, on
ne pouvait s’empêcher de les comparer. Henri III, malade, toussant, édenté, boitant à cause de ses fistules, le teint blême,
le regard fuyant, un panier de chien au cou et de lourdes perles aux oreilles. Près de lui, ce géant blond, séduisant, élégant,
dominateur et majestueux, la main souvent posée sur la poignée dorée de sa lourde épée de bataille.
Nul ne pouvait douter de l’issue de la querelle qui les séparait et ceux qui restaient fidèles à Henri III se demandaient
de plus en plus souvent s’ils ne se trompaient pas de camp.
Quelques-uns pourtant connaissaient le véritable duc de Guise : sa sœur, qui détestait sa pusillanimité, Margot, la femme
d’Henri de Navarre, qui avait été sa maîtresse et
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