La ville qui n'aimait pas son roi
défendu… Elle avait même empêché son fils de le mettre à mort quand il était venu à Paris, et voilà comment il la remerciait! L’affection qu’elle avait toujours éprouvée pour Henri de Guise était en train de se transformer en une puissante haine qui la submergeait.
— Bezon, allez voir si Miron est toujours dans ma chambre, demanda-t-elle d’une voix maîtrisée.
Bezon passa dans la pièce d’à côté et revint avec le médecin. Nicolas Poulain était resté silencieux.
— Monsieur Miron, lui dit la reine, allez dire au roi mon fils que je le prie de prendre la peine de descendre en mon cabinet, pour ce que j’ai chose à lui dire qui importe à sa vie, à son honneur et à son état 1 .
Miron s’exécuta tandis que Catherine interrogeait Nicolas Poulain sur l’attentat de Nérac. En l’écoutant, la reine éprouvait
une satisfaction perverse en découvrant que la duchesse de Montpensier n’avait pas été plus habile qu’elle pour tuer Henri
de Navarre, et en même temps elle enrageait à l’idée que cette femme ait osé s’attaquer à un prince de sang, chose dont elle
jugeait avoir la prérogative.
Henri III entra alors que Nicolas terminait ses explications. Il dut recommencer le récit de l’altercation dans la cour, puis
expliquer qui était le capitaine Clément.
Contrairement à sa mère, Henri connaissait l’histoire de l’attentat de Nérac sans savoir pourtant que la sœur du duc de Guise
était impliquée. Il ne posa aucune question et resta un certain temps à réfléchir après que Nicolas Poulain eut terminé. Ce
qu’il apprenait ne l’étonnait guère, et ne faisait que renforcer sa décision. Restait à savoir ce qu’il devait dire à sa mère,
qui jusqu’à présent avait toujours penché du côté de Guise. Pour l’instant, ils n’étaient que quelques-uns à connaître ses
intentions.
La reine l’observait. Elle se leva péniblement et prit d’autorité son fils par le bras pour le conduire près de la fenêtre
tandis que Miron, Poulain et Bezon demeuraient éloignés à l’autre bout du cabinet sans pouvoir entendre leur conversation.
Mais quand la mère et le fils eurent fini de chuchoter, Catherine de Médicis parla suffisamment haut pour être entendue.
— Mon fils, il s’en faut dépêcher! C’est trop longtemps attendre! Il faut donner bon ordre pour que vous ne soyez plus trompé, comme vous le fûtes aux barricades de Paris.
Ils revinrent vers les trois hommes.
— Monsieur Poulain, dit le roi, que comptiez-vous faire pour le capitaine Clément?
— Le rechercher dès ce soir, l’arrêter et l’interroger, sire.
— Vous n’en ferez rien. Oubliez tout cela. Ce capitaine ne parviendra jamais à m’approcher et je ne veux pas que la moindre discorde naisse entre moi et mon cher cousin Guise.
Sur ces mots, le visage marmoréen, il se retira avec Miron.
Le lendemain matin, le duc de Guise, qui avait passé la nuit avec Mme de Sauves, fut réveillé par Mendoza.L’ambassadeur d’Espagne était avec MM. de Saveuse et Boisdauphin, livides. Guise était encore dans son lit quand ils lui annoncèrent
le vol des trois cent mille écus.
Aux premiers mots, Guise sauta du lit en chemise, demi-nu, convulsé de rage.
— Qui! Qui a fait ça! cria-t-il en attrapant Saveuse par son pourpoint.
Ce fut Boisdauphin qui répondit d’une voix défaite.
— Ils étaient une vingtaine avec à leur tête un nommé Fleur-de-Lis, monseigneur, j’ai déjà croisé la route de cet homme qui est à Navarre.
— Hauteville! balbutia Guise, pétrifié.
Il parut perdre toute énergie et s’assit sur son lit tandis que Mme de Sauves essayait de dissimuler aux trois hommes sa généreuse
poitrine dénudée.
— Hauteville, murmura encore le duc. Cet homme est donc un sorcier!
En reprenant l’accusation de sa sœur, pour la première fois, Guise se mit à douter de son destin.
Il songea aux centaines de pamphlets que les prédicateurs diffusaient avec son accord, accusant Henri III et ses mignons d’être des suppôts du Malin. Et si c’était vrai? se demanda-t-il avec angoisse. Si le roi était vraiment l’Antéchrist, il ne pourrait jamais le vaincre.
Pourtant, après avoir écouté un compte rendu détaillé du vol, il retrouva un peu d’énergie et d’espoir. Il fit venir sa sœur
et son frère Louis pour apprendre que Hauteville avait disparu. Toute la journée ses gentilshommes fouillèrent la
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