La ville qui n'aimait pas son roi
généraux duraient
déjà depuis deux mois et rien n’avait été décidé sur sa charge de connétable et sur la mise à l’écart d’Henri de Navarre de
la succession au trône. Il voyaitbien que les représentants des Seize, c’est-à-dire le Tiers, ne poussaient que leurs intérêts : payer moins d’impôts et contrôler
les dépenses de l’État. Son frère Louis avait du mal à tenir les représentants du clergé qui, eux aussi, cherchaient surtout
à conserver leurs avantages ou à en obtenir de nouveaux. Chacun s’épiait et se soupçonnait. Intrigues et rumeurs couraient
dans la ville et le château. Sa sœur n’en faisait qu’à sa fantaisie, et Mayenne était sur le point de l’abandonner.
Même Louis l’irritait avec sa condescendance. Il était temps que tout finisse. Il restait cinq semaines avant Noël. Il devait
utiliser ce temps à distribuer les trois cent mille écus du roi d’Espagne pour se faire de nouveaux fidèles et, si d’ici à
la fin de l’année, le roi ne lui avait pas confié tous les pouvoirs, il prendrait une décision. Soit il rentrerait à Paris
et ce serait la guerre totale avec Henri III, soit il utiliserait la force pour l’enfermer dans un monastère.
Quand Nicolas Poulain revint au château, la duchesse de Montpensier n’était plus dans la cour. Bien que préoccupé par la présence
du capitaine Clément, il se rendit pourtant chez Catherine de Médicis comme le roi le lui avait demandé, envisageant d’aller
voir son souverain aussitôt après.
La reine avait ses appartements au premier étage, juste sous ceux de son fils. Nicolas grimpa l’escalier François I er et pénétra dans la pièce où se tenaient gardes et valets. La porte à doubles battants qui la faisait communiquer avec la
grande salle de bal était ouverte. Celle-ci était pleine de courtisans et il aperçut le duc de Retz et la duchesse de Nevers.
On entendait des airs de viole et des éclats de rires. Au bruit de la fête, il se souvint que c’était là, lors d’un bal, que
Ronsard était tombé amoureux de Cassandre Salviati.
Mais comme il n’avait aucune envie d’être abordé ou interrogé après sa longue absence, il se dirigea droit vers laporte donnant sur l’escalier en limaçon. Quatre gardes en casaques à fleurs de lys gardaient le passage. Avisant l’un d’eux,
il lui dit que la reine l’attendait. Le garde entra dans les appartements privés pour revenir au bout d’un instant avec M.
de Bezon.
Poulain salua amicalement le nain avant de le suivre. Ils passèrent l’escalier et traversèrent la chambre, où les dames d’atour
l’observèrent avec curiosité. Marc Miron, le médecin d’Henri III, était avec l’une d’elles devant la cheminée au monogramme
de Henri II et de Catherine de Médicis, un H et deux C entrelacés. En trottinant, Bezon le précéda dans l’oratoire puis ils
pénétrèrent dans le cabinet de la reine. Nicolas Poulain n’y était jamais entré.
C’était une petite salle aux murs couverts de panneaux sculptés et dont les caissons du plafond représentaient aussi des H
et des C entrelacés. Poulain avait entendu dire que ces panneaux dissimulaient des placards secrets dans lesquels la reine
cachait des poisons et toutes sortes de philtres, mais d’autres assuraient que c’était faux et qu’elle n’y rangeait que sa
correspondance.
En face de la cheminée, en noir comme d’habitude, Catherine de Médicis était à demi allongée sur un lit, le visage décharné
et blafard. À côté d’elle, assise sur une escabelle, Christine de Lorraine lui parlait doucement tandis qu’une demoiselle
d’honneur attendait debout.
— Enfin, vous voilà! fit aigrement la reine en le voyant entrer. Où étiez-vous depuis tout ce temps?
Catherine de Médicis était peut-être malade mais elle n’avait rien perdu de son agressivité.
— J’avais demandé mon congé pour rejoindre ma femme, madame.
— Christine, Anne, laissez-nous, mais vous Bezon, restez!
Quand ils ne furent plus que tous les trois, Catherine resta un long moment à observer le prévôt.
— Monsieur Poulain, vous étiez donc à Chartres avec M. de Richelieu… et vous êtes revenu avec le marquis d’Oet le baron de Rosny. Il y avait même M. Hauteville et sa femme, m’a-t-on rapporté! Étrange compagnie! dit-elle enfin.
Nicolas jeta un regard à Bezon qui avait dû renseigner la reine.
— Ne me prenez
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