La ville qui n'aimait pas son roi
ce n’était qu’en présence de sa mère adoptive, Charlotte Arbaleste,
l’épouse de M. de Mornay. C’est tout juste s’il avait pu lui effleurer la main. Tout projet de mariage leur était alors interdit.
Et encore moins toute relation amoureuse.
Mais tout avait changé, se disait-il en cherchant la rue des Augustins. Il avait été anobli sur le champ de bataille de Coutras et le seul opposant à leurs noces, le prince de Condé, venait de mourir. Par moments, il se reprochait de bénir la princesse qui avait tué son mari!
Il trouva facilement la maison et fut immédiatement reçu par M. de Mornay. Il se trouvait en compagnie deM. Pontard, le maître de maison, un magistrat au visage triste, aux cheveux gris et au dos voûté qui avait perdu ses deux
fils durant de sanglantes escarmouches avec les troupes catholiques où lui-même avait été blessé. Après avoir échangé quelques
politesses, Olivier, confus, expliquait avoir parlé de son mariage au roi de Navarre quand Cassandre et sa mère adoptive entrèrent
dans la chambre.
Charlotte Arbaleste était vêtue d’une robe de serge noire au col haut et rigide. Cassandre, en revanche, portait une robe
pastel prise à Mme de Montpensier qui mettait en valeur ses avantages. En la voyant, Olivier la trouva plus belle que jamais
et son cœur s’arrêta de battre.
Elle s’assit sur une chaise à côté de sa mère adoptive et planta son regard dans le sien. Un silence un peu embarrassant s’installa,
interrompu par M. de Mornay.
— Charlotte, M. Hauteville, désormais seigneur de Fleur-de-Lis, est venu aujourd’hui nous présenter une requête…
En les regardant disposés en demi-cercle devant lui, Olivier vit l’ironie dans leur regard. Il se racla la gorge pour se donner
une contenance, et gêné, se mit à bredouiller, parvenant tout juste à ânonner quelques mots d’où il ressortait qu’il demandait
la main de Cassandre.
Tandis qu’il bafouillait ainsi, Mme de Mornay gardait le sourire et Cassandre ne pouvait se retenir de pouffer.
— Je verrai le roi, lui assura M. de Mornay, qui s’était aussi retenu de rire. Je sais qu’il est favorable à votre mariage, mais je devrai aussi consulter les deux frères du prince, Conti et Soissons…
Olivier s’assombrit.
— … Je ne pense pas pour autant qu’il y aura de difficulté, le rassura-t-il dans un large sourire. Je sais que M. de Soissons, malgré sa morgue, a apprécié votre courage sur les champs de bataille, quant à son frère Conti, c’est un sot qui ne dira rien puisqu’il est muet!
— Pourquoi ne viendriez-vous pas souper demain soir? suggéra M. Pontard. M. Mornay aura certainement beaucoup de choses à vous apprendre et nous en saurons plus sur ce que pense le roi de Navarre de ce crime horrible.
Ayant accepté, Olivier allait se retirer quand Mme de Mornay lui proposa de rester une moment avec elle et Cassandre. Il passa
ainsi une couple d’heures avec les deux femmes, mais pour la première fois, Mme de Mornay s’absenta plusieurs fois afin de
les laisser seuls.
Ils avaient tant de souvenirs à évoquer et éprouvaient tant de passion qu’ils auraient pu parler pendant des heures sans se
lasser. Pourtant, leurs sentiments différaient en cette heure. Olivier éprouvait un amour intense et profond tandis que Cassandre
était en proie à des émotions contradictoires.
Certes, elle aimait Olivier et avait hâte d’être son épouse, mais elle ne pouvait effacer de son cœur les aventures qu’elle avait vécues : les combats qu’elle avait livrés, sa capture par Mme de Montpensier, son évasion avec le jeune Rouffignac, son duel avec M. de Saveuse. Malgré les souffrances, les craintes et les périls, elle avait ressenti une exaltation dont elle se languissait. Avec une effrayante lucidité, elle réalisait que la vie de maîtresse de maison lui faisait peur. Elle aurait mille fois préféré être un homme, se répétait-elle souvent. Connaîtrait-elle pareille vie, une fois mariée?
C’est dans cet état d’esprit qu’elle écouta Olivier. Il ne lui cacha ni la tentative d’assassinat de Nérac, ni les inquiétudes
du roi de Navarre quant au prince de Soissons, ni ses premiers soupçons sur l’identité du coupable.
— Que vas-tu faire? lui demanda-t-elle quand il eut terminé.
— Rien, ma mie! répliqua-t-il. Mgr de Navarre est désormais persuadé que la princesse est coupable. Ce n’est plus de
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