La ville qui n'aimait pas son roi
ajouta à l’attention du curé Boucher :
— Ce Hauteville est… diabolique, mon père. Il nous a toujours échappé, il semble tout savoir de ce que nous préparons. (Elle se signa à nouveau.) Je crains que le démon ne le guide.
Le Clerc haussa un sourcil. Il croyait peu en Dieu et encore moins au Diable.
— Je ferai dire des messes, madame, promit Boucher.
— Et moi, je ferai surveiller sa maison, ajouta Le Clerc. Peut-être ira-t-il voir ses domestiques, car il aura besoin d’aide.
Ils allaient repartir quand la duchesse demanda au prêtre de rester pour qu’il reçoive sa confession. Seule avec lui, elle
lui confia :
— Mon père, il y a peut-être un traître parmi nous… Je n’ai pas confiance en Le Clerc ni dans les bourgeois de Paris. Ils ne se battent pas pour Notre Seigneur et la foi catholique, mais pour payer moins d’impôts et garder le pouvoir.
Boucher hocha lentement la tête. Il avait deviné depuis longtemps le désir d’autonomie de la bourgeoisie ligueuse et leur
peu d’empressement à souhaiter la mise en place de l’inquisition.
— Sachez qui surveillera la maison de Hauteville. Si celui-là découvre quelque chose, qu’il me prévienne aussitôt et il recevra trois cents écus. Mais dites-lui aussi que s’il informait Le Clerc avant moi, je le ferais pendre. Déjà Louchart m’a caché avoir arrêté les épouses de Hauteville et de Poulain, et je le lui ferai payer cher.
Boucher lui promit qu’elle pouvait compter sur sa fidélité. Bien qu’elle ait toute confiance en lui, elle n’avait pastout révélé. Elle disposait d’une autre carte, et celle-là, elle l’utiliserait dimanche, après la messe de Saint-Merry.
Venetianelli, accompagné de Sergio, arriva alors qu’Olivier et Nicolas dévoraient le pain qu’il leur avait laissé. Les deux
hommes apportaient d’autres couvertures, une épée, de la nourriture, et surtout le nécessaire pour grimer Olivier et Nicolas.
Pour entrer dans Paris, Venetianelli leur avait seulement foncé le visage et les mains avec de la teinture de noix et avait
blanchi les cheveux de Nicolas avec de la farine. Disposant désormais de plus d’ingrédients, les deux comédiens les maquillèrent,
colorèrent leurs cheveux, recoupèrent leur barbe et foncèrent leurs dents. Avec de petits morceaux de bois qui déformaient
leur nez et leurs joues, ils pourraient même tromper ceux qui les connaissaient. De surcroît, Venetianelli leur apprit à marcher
différemment et à modifier leur silhouette.
Avant de commencer à chercher Clément, ils avaient besoin d’armes pour se défendre s’ils venaient à être attaqués. Venetianelli
leur avait porté deux dagues et une épée, mais c’était bien insuffisant, aussi Olivier comptait-il sur Le Bègue. Cependant,
il était impensable qu’ils se rendent rue Saint-Martin pour le rencontrer, car malgré leur déguisement, ils ne voulaient prendre
aucun risque.
Le Bègue ne travaillait plus chez M. Antoine Séguier qui s’était réfugié à Tours. Mais il avait une sœur, une veuve très loyale
à la couronne. Olivier et Nicolas se rendirent chez elle, sans leur déguisement de marchands ambulants qui les aurait encombrés,
et se firent reconnaître. Après un moment de surprise, elle promit de prévenir son frère pour qu’il vienne la voir le lendemain.
Elle leur raconta ensuite dans quelle détresse était Paris. Le commerce languissait, les rentes sur l’Hôtel de Ville n’étaient
plus payées, le parlement avait rendu un arrêt faisant remise aux locataires du tiers des loyers, la misères’installait. Pour soulager les malheurs des Parisiens, les prédicateurs ne proposaient que des processions durant lesquelles
on priait les saints d’intercéder auprès de Dieu. Mais il y avait aussi les arrestations de ceux jugés trop tièdes envers
la Ligue, les potences chargées de corps, les huguenots brûlés par sentence du prévôt de Paris. Le peuple payait cher son
désir de sauver la religion catholique apostolique et romaine.
Quand ils revinrent le lendemain, Le Bègue était déjà là. Après force embrassades, Olivier lui expliqua qu’ils étaient en
mission secrète pour le roi et avaient besoin d’armes. Il lui remit de l’argent et Nicolas Poulain lui donna des noms d’armuriers
de la rue de la Heaumerie qui lui vendraient les jaques d’acier, épées, pistolets, balles et poudre dont ils avaient besoin.
Il fut
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