La ville qui n'aimait pas son roi
Nicolas? demanda Olivier.
— Je dis que si elle n’avait pas trahi ta confiance en dénonçant Cassandre et mon épouse, nous serions maintenant aux mains de Mme de Montpensier. Les voies du Seigneur sont souvent impénétrables. Perrine n’est pas seule fautive. C’est la duchesse qui, en véritable démon, lui a présenté la tentation à laquelle elle n’a pu résister. Sans doute devait-elle te trahir pour se racheter et nous sauver. Pierre a bien renié Jésus.
Cubsac n’avait pas pensé à ça, il se gratta la barbe de perplexité.
— Je dis aussi que tu as pris conscience de ton erreur Perrine, et que je n’aurai jamais de domestique plus fidèle… Non, je me trompe, car je ne peux pas te garder à mon service.
Elle éclata en sanglot si violent que le nain s’approcha.
— Pourquoi faites-vous pleurer cette dame? demanda-t-il, agressif.
— Elle pleure de joie, ironisa Olivier. (Il se tourna vers le gascon.) Cubsac, tu ne pourras trouver de meilleure épouse.
Le nain parut rasséréné et resta devant la table, son visage au niveau du plateau.
— J’ai pensé un instant qu’elle pleurait à cause de la défaite, dit-il tristement.
— Quelle défaite?
— M. de Saveuse… à Châteaudun… Les hérétiques ont écrasé son régiment. Vous l’ignorez? Je l’ai appris tout à l’heure. Il paraît que les Seize voulaient tenir secrète l’annonce de cette nouvelle déroute.
— Que savez-vous d’autre?
— Il paraît que les huguenots qui les ont battus étaient commandés par Rosny et Châtillon! Maudit fils de Coligny!
Il cracha par terre.
— Qu’est devenu M. de Saveuse? s’enquit Olivier.
— Vous le connaissiez? demanda-t-il en remarquant le bandage ensanglanté au poignet et à la main de Nicolas.
— J’avais vu une fois son frère, répondit évasivement Olivier.
— On m’a dit que le seigneur de Saveuse a été blessé et qu’il est prisonnier.
Après la déroute de Senlis, c’était donc le deuxième échec des armées de la Ligue qui venait ainsi de perdre plusieurs de
ses capitaines. La prochaine bataille serait à Paris, se dit Nicolas avec satisfaction.
Les deux rois avaient quitté Tours vers la mi-mai pour gagner Paris en suivant la Loire. En chemin Rosny et Châtillon étaient
tombés sur la compagnie de Saveuse qui avait livré bataille avec une cornette où était écrite la devise espagnole suivante,
en lettres d’or : Morir O mas contento.
Saveuse avait été blessé. Emprisonné à Beaugency. Il avait refusé d’être soigné et s’était laissé mourir de désespoir sans
recevoir les saints sacrements. La Ligue était tout pour lui et il n’avait pu comprendre pourquoi le Seigneur l’avait abandonné.
Entre-temps, Navarre avait gagné Orléans et demandé à ses habitants de se soumettre avec la promesse qu’ils garderaient la
liberté du culte et leurs franchises. Malgré leur refus, l’armée royale avait poursuivi sa route sans attendre, remettant
le siège à plus tard. Une mauvaise nouvelle avait pourtant assombri cette marche vers la capitale : celle de l’excommunication
d’Henri III qui arriva quand le roi se trouvait à Étampes.
En approchant de Paris, la plupart des villes rendaient les armes devant la formidable armée. Seule Poissy opposa une résistance
qui coûta la vie à une grande partie de la bourgeoisie. Finalement les troupes royales passèrent la Seine et mirent le siège
devant Pontoise.
Dans sa cellule de la Bastille, le premier président du parlement de Paris, Achille de Harlay, demandait chaque jour à pouvoir
écouter la messe, et n’obtenait jamais de réponse. Pourtant, en cette fin du mois de mai, il reçut la visite d’un jeune prêtre.
Brun, les yeux de braise, comme tourmenté par un feu intérieur, le religieux qui s’appelait Jacques Clément lui annonça qu’il
serait désormais son chapelain. Il lui promit qu’il pourrait assister à la messe qu’il célébrerait chaque jour.
Achille de Harlay tomba à genoux. Dieu l’avait exaucé dans ses prières.
Cela s’était avéré difficile pour Mme de Montpensier d’obtenir que Jacques Clément devienne chapelain à la Bastille. La difficulté
était venue là où elle ne l’attendait pas. Le père Edmond Bourgoing, prieur des jacobins, avait jugé que Clément était prêtre
depuis trop peu de temps pour exercer un tel ministère et avait refusé qu’il quitte le couvent.
Rien n’y avait
Weitere Kostenlose Bücher