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La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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revint brusquement à l’esprit ce que Caudebec avait remarqué. Le recteur de l’école de chirurgie manipulait un méreau, un de ces jetons que les protestants utilisaient pour participer à la Cène. Il avait aussi défendu le fait que Paré était protestant. Et si c’était un ancien protestant qui dissimulait sa foi?
    Mais s’il se trompait?
    — Monsieur le recteur, fit-il, puis-je vous dire un mot en bas, et vous payer votre visite?
    — Pour arracher une dent malcommode comme celle-ci, je prends trois écus, plaisanta le barbier. Les dents faciles sont moins chères…
    Ils descendirent dans la cuisine et Olivier ferma la porte, puis il sortit trois écus en déclarant :
    — Monsieur le recteur, je vous ai effectivement déjà vu…
    L’autre fronça le front. Que signifiait l’étrange attitude de ce domestique?
    — Je crois que vous êtes de la religion réformée, monsieur, et que vous pouvez m’aider…
    — Qui êtes-vous? Que voulez-vous? répliqua le recteur en haussant le ton. Moi, un hérétique? Vous êtes fou, mon ami!
    Olivier savait qu’il devait se découvrir. Mais si le barbier était vraiment catholique et menaçait de les dénoncer, il n’aurait
     d’autre choix que de le saisir, de le garrotter et de s’enfuir, ce qui compliquerait sa situation, et celle de Cubsac.
    — Je vous ai vu avec un méreau, monsieur, c’était avant les barricades, j’étais à la Croix-de-Lorraine avec un ami, en robe de chirurgien. Je vous ai dit venir de Toulouse.
    Le barbier le regarda avec plus d’attention.
    — Peut-être. Mais je ne comprends pas ce que vous voulez…
    — Parlons rond, monsieur, je suis un espion qui me suis introduit par ruse dans cette maison. Je suis au service de Mgr le roi de Navarre.
    L’autre écarquilla les yeux.
    — Vous voulez me faire croire ça?
    Il haussa les épaules.
    — C’est un piège stupide! Je ne m’y laisserai pas prendre.
    — Si vous êtes huguenot, vous devez m’aider!
    — Je ne sais pas ce que vous voulez faire, vous êtes à la solde de mes ennemis!
    Mais malgré sa colère apparente, le chirurgien ne chercha pas à s’en aller.
    — Que vous dire pour vous convaincre? s’exclama Olivier. Je suis gentilhomme et recherché par la Ligue. Henri de Navarre m’a fait chevalier à Coutras. Je suis venu à Paris pour découvrir un assassin…
    — Vous êtes protestant? demanda le chirurgien en se frottant le menton.
    — Non, mais mon épouse l’est. C’est la fille adoptive de M. de Mornay. Elle appartient aussi à la famille de Mgr de Condé.
    — Vous connaissez Mornay?
    — J’étais son écuyer, j’ai vécu chez lui. Je suis aussi l’ami de M. de Rosny, de M. de La Rochefoucauld, de M. de Turenne, de M. de Châtillon et de bien d’autres seigneurs protestants.
    — Décrivez-moi Mornay et son épouse, ainsi que Rosny.
    Les descriptions durent satisfaire le chirurgien qui, sans rien reconnaître, demanda :
    — Qui cherchez-vous?
    — Quand je vous ai rencontré à la Croix-de-Lorraine, il y avait dans la salle un jeune homme surnommé le capitaine Clément. C’est lui que je cherche.
    — Je me souviens de lui. Que lui voulez-vous?
    — Il veut tuer le roi.
    Jacques Lecœur, recteur de l’école de chirurgie, était en effet protestant, bien qu’il se soit converti sous la menace durant
     la Saint-Barthélemy. Il rencontrait toujours, secrètement, ses coreligionnaires pour pratiquer la Cène. L’affirmation d’Olivier
     ne le surprit guère. Depuis la mort de Guise, tant de gens voulaient la mort du roi.
    — Je ne suis pas protestant, monsieur, dit-il pourtant, et si je pouvais vous aider, je le ferais volontiers, mais je n’ai plus vu Clément depuis plusieurs semaines. Je puis cependant vous dire qu’il est désormais prêtre. Je l’ai appris par un ami. Dans quelle église? Je l’ignore, je pourrais me renseigner… Si vous me laissez partir.
    — Vous êtes libre, dit Olivier qui avait compris que l’homme craignait un piège. (Il montra la porte.) Mais ne me trahissez pas. D’ici un mois, le roi entrera au Louvre et les ligueurs seront sévèrement châtiés.
    — Je suis un fidèle sujet de Sa Majesté, répondit simplement le recteur.
    Olivier le laissa partir, mais dès qu’il fut dehors, il expliqua à Nicolas ce qui s’était passé et lui demanda de le suivre.
    Il resta ensuite toute la journée avec Cubsac, lui faisant régulièrement absorber des graines de pavot.

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