La ville qui n'aimait pas son roi
fait, ni les ordres du duc de Mayenne et de Le Clerc, ni les supplications du père Boucher, ni même les pécunes
proposées par la duchesse. Bourgoing avait étéinflexible, et lui seul pouvait autoriser Clément à quitter le couvent pour la Bastille.
Edmond Bourgoing était plutôt bel homme, fort apprécié de ses paroissiennes, et lui-même très sensible au charme féminin.
C’était son unique défaut, car seule la foi catholique le guidait. Face à son refus, le curé Boucher avait envisagé de lui
confier les intentions de la duchesse, qu’il aurait sans doute approuvées tant il haïssait les deux Henri alliés, mais Le
Clerc s’y opposa car il n’était pas certain de sa loyauté.
En désespoir de cause, la duchesse le fit venir chez elle et le reçut dans sa chambre.
Ses ennemis ont dit plus tard qu’elle s’était prostituée pour obtenir son consentement. Peut-être n’est-ce qu’une rumeur,
mais quand Bourgoing quitta l’hôtel de Montpensier, le cœur plein d’allégresse, il avait donné son accord pour le départ de
Clément.
37.
Ne pouvant revenir au Petit-Bourbon, Olivier et Nicolas n’avaient plus d’endroit où se réfugier alors qu’ils avaient besoin de se soigner. Ils auraient pu s’installer dans quelque bouge de la cour des miracles, mais les centaines de truands qui vivaient là étaient certainement aussi dangereux pour eux que les gens de la Ligue. Cubsac proposa donc de les héberger, mais comment échapper à la dénonciation d’un voisin auprès du dizainier ou du conseil de quartier qui assurait la police de la Ligue?
C’est Nicolas qui suggéra qu’il les engage comme valets. Cubsac était noble et personne ne l’interrogerait sur sesdomestiques. Ayant passé en revue les dangers encourus, c’est finalement la solution qu’ils adoptèrent.
Leurs armes dissimulées dans un sac de toile, Hauteville et Poulain se présentèrent donc en soirée à la maison de la rue de
l’Aigle, après que l’ancien quarante-cinq eut raccompagné Perrine et fut rentré chez lui avec les chevaux. En arrivant, Cubsac
avait expliqué à son domestique et à sa servante qu’il attendait depuis plusieurs semaines des gens de sa seigneurie pour
compléter sa maison, que ceux-ci étaient arrivés mais qu’ils avaient été attaqués en chemin par des truands et que c’était
leur tante et leur nièce, reçues en fin de matinée, qui l’avaient prévenu.
Il avait ensuite envoyé son valet chez un voisin qui pouvait lui prêter une paillasse de crin et la servante chez un apothicaire
qui accepterait de vendre des onguents et du linge bien qu’il soit dimanche.
La maison que Cubsac avait louée était étroite, avec un seul étage en encorbellement et un toit en pointe. Le rez-de-chaussée
était constitué par une cuisine, un cellier et des bouges où dormaient les domestiques. Cubsac avait la grande chambre du
premier étage qu’il avait meublée au plus juste d’un lit à piliers et d’un coffre. Il proposa à Olivier et Nicolas de prendre
son lit, lui-même dormant par terre sur la paillasse.
Passées les fêtes de Pentecôte, revêtus d’une mantille de valet pour paraître plus convaincants dans leur rôle de domestiques,
ils poursuivirent leur quête du capitaine Clément dans le quartier de l’université. Hélas, dès le premier jour, en rentrant
bredouilles, ils découvrirent Cubsac au plus mal, sa rage de dent s’étant aggravée. La joue avait doublé et la douleur était
devenue insupportable.
Pourtant sa servante avait prié toute la journée sainte Apolline, expliqua-t-elle, navrée. Elle leur récita même l’oraison
à la sainte pour qu’ils soient convaincus de ses efforts :
Illustre vierge et martyre Apolline, répandez pour nous vos prières aux pieds du Seigneur afin que nous ne soyons pas, à cause de nos péchés, affligés de maux de dents, vous à qui la cruauté des bourreaux les a arrachées si violemment, veuillez
en dissiper la douleur.
Apolline, martyrisée à Alexandrie, avait eu les dents arrachées avant d’être brûlée vive. Sachant combien les maux de dents
étaient douloureux, la sainte était réputée pour les soulager si on la priait suffisamment.
Olivier, constatant l’absence de résultat par la prière, fit chercher un barbier. C’était le valet de chambre d’un voisin.
Il saigna Cubsac en lui tirant une pinte de sang et ne remarquant aucune amélioration, il conseilla une
Weitere Kostenlose Bücher