La ville qui n'aimait pas son roi
Seize.
Dans l’impossibilité de quitter la ville, Olivier et Nicolas n’eurent d’autre choix que de poursuivre leur quête de Clément
dans les églises, les jours où ils n’avaient pas à se rendre sur les chantiers de tranchées.
Dans le camp des rois, les succès militaires avaient fortifié les troupes et les capitaines. Pourtant, nombreux étaient ceux
qui conseillaient d’attendre de nouveaux renforts avant d’attaquer Paris. Si l’armée royale comptait trente mille soldats,
la ville alignait plus de quarante-cinq mille hommes en armes, en comptant les troupes lorraines, les alliés espagnols, et
la milice bourgeoise. Au surplus, ceux qui avaient connu les barricades craignaient qu’une grande partie de la population
ne se range du côté de la Ligue tant elle haïssait les deux rois. Enfin, ceux qui avaient combattu Mayenne savaient qu’il
ne devait pas être sous-estimé.
Le roi de Navarre balaya ces arguments et décida de commencer le siège. Henri III l’approuva et dès le 26 juillet, Pontoise
fut investi par Henri de Bourbon qui accorda à ses habitants une capitulation honorable : gentilshommes et soldats furent
autorisés à quitter la ville avec leurs armes et la ville ne fut pas pillée. Cette mansuétude impressionna favorablement les
villages environnants qui reçurent les troupes royales sans combattre.
Le lendemain, Henri III envoya un message à Mme de Montpensier pour lui dire qu’il savait à quel point elle entretenait le peuple de Paris en sa rébellion; mais que dès qu’il entrerait dans la ville, il la ferait brûler toute vive.
Elle lui fit répondre avec insolence que le feu était pour les sodomites, et que c’était à lui de s’en garder. Le soir pourtant,
fort inquiète, elle réunit son frère, le curé Boucher, Le Clerc et le prieur Bourgoing.
Le dimanche de Pentecôte, la duchesse avait attendu des heures le retour de Lacroix, avant d’envoyer finalement des domestiques
au Petit-Bourbon où ils avaient découvert le carnage. Il n’y avait que trois survivants, dont Lacroix qui depuis avait perdu
son bras. L’un d’eux expliqua que ceux qu’ils étaient venus capturer étaient des espions et avaient quitté Paris. Catherine
de Lorraine resta prostrée plusieurs jours après ce nouvel échec, puis elle comprit que tout était dans l’ordre des choses.
Elle ne pourrait vaincre Hauteville, protégé par des puissances démoniaques.
D’ailleurs tout allait mal pour la Ligue dont les armées se débandaient. La progression d’Henri III et de Navarre était si
rapide qu’elle avait quelque chose de surnaturel, et Mme de Montpensier devinait que les rois seraient bientôt à Paris. Elle
n’aurait aucune mansuétude à attendre d’eux et s’attendait à être traitée comme sa tante Marie Stuart.
C’est Le Clerc qui lui apporta la première bonne nouvelle. Jacques Clément avait si bien gagné la confiance de M. de Harlay
que celui-ci lui avait remis une lettre pour des amis membres du guet bourgeois dans laquelle il leur demandait de livrer
la porte Saint-Jacques une nuit, sitôt que l’armée royale s’y présenterait.
Cette proposition était inespérée. Puisque Hauteville et Poulain n’étaient plus là pour les gêner, Le Clerc, Mme de Montpensier
et le curé Boucher décidèrent d’agir au plus vite. Plutôt que de libérer Harlay, en espérant qu’il se fasseaccompagner par Clément le jour où il rencontrerait le roi, ils décidèrent d’envoyer Clément à Henri III, chargé d’un message
du premier président.
Ils demandèrent donc au jacobin de dire à Harlay que ses amis étaient d’accord pour livrer une porte de la ville, mais qu’il
fallait prévenir le roi de ce bénéfice. Clément devrait lui proposer de se rendre à la cour pour le faire, mais il aurait
besoin d’une lettre pour être cru par Henri III. Harlay, convaincu de la loyauté de son chapelain, tomba dans le piège. Il
écrivit la lettre que le gouverneur de la Bastille eut dans les mains le jour même où Henri III menaçait la duchesse du bûcher.
Avec cette missive, il était certain que Clément serait reçu par le roi, encore fallait-il qu’il arrive jusqu’à la cour. Pour
cela, il aurait besoin d’un passeport délivré par un officier royal, sinon il risquait fort d’être pendu par une patrouille.
C’était l’objet de la réunion chez la duchesse de Montpensier.
Après avoir
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