La ville qui n'aimait pas son roi
Mon père commençait à aller mieux mais, fatigué, il ne put vraiment s’y opposer. Je parlai de mon dessein à Caudebec, qui s’y opposa, et à Marguerite, qui l’accepta.
— J’avoue que les aventures que j’ai connues avec Cassandre ont révélé chez moi une audace que j’ignorais et m’ont convaincue qu’il ne pouvait rien m’arriver avec elle, plaisanta l’épouse de Poulain, serrée contre son mari sur un banc de la pièce.
— Je ne pouvais qu’accepter, grommela Caudebec, elle serait partie sans moi!
— Mais grosse, c’était de la folie! protesta Olivier. Elle aurait pu perdre son fruit! Notre enfant!
— Je le lui ai dit, monsieur, dit Caudebec en se servant une poignée d’abricots confits, mais vous savez qu’elle n’en fait qu’à sa tête! Nous avons cependant voyagé en barque jusqu’à Orléans. Avec un vent d’ouest, le voyage n’a duré qu’une vingtaine d’heures et il n’y avait pas de secousse, comme dans une voiture. Ensuite, j’ai acheté un coche confortable. La route est bonne jusqu’à Paris et nous sommes allés lentement. Nous avons mis trois jours pour arriver ici.
— C’était folie dans un pays en guerre! répéta Poulain, malgré tout fier de sa femme.
— M. de Mornay avait réuni trente gentilshommes et hommes d’armes qu’il voulait envoyer au roi de Navarre; ils nous ont servi d’escorte.
— Et nous voici! sourit Cassandre. Hélas, en route nous avons appris la mort du roi. J’ai une lettre de mon père pour Mgr de Bourbon, croyez-vous que le roi de France me recevra pour la lui remettre? demanda-t-elle au baron de Rosny.
— Certainement, madame, mais peut-être pas tout de suite car les affaires d’Henri sont difficiles en ce moment. Le siège de Paris sera peut-être levé dans quelques jours.
— Pourquoi? demanda Marguerite qui avait accompagné Cassandre aussi pour entrer en ville avec l’armée et revoir ses parents.
— Beaucoup de gentilshommes catholiques n’acceptent pas de reconnaître leur nouveau roi, laissa tomber Rosny en regardant sévèrement le surintendant des finances.
Cassandre suivit son regard et considéra François d’O avec de grands yeux étonnés.
— Vous n’en faites pas partie, marquis, j’espère? demanda-t-elle.
— Je ne peux servir un roi hérétique, lâcha O, visiblement embarrassé par la question de cette femme qu’il estimait plus qu’il ne voulait le montrer.
— Comment? Que dites-vous? Mais c’est impossible! martela-t-elle. Pas vous! Vous qui étiez le plus fidèle sujet du feu roi! Sachez que vous ne trouverez jamais un maître meilleur qu’Henri de Bourbon et que vous gagnerez sa gratitude éternelle en le rejoignant maintenant. En arrivant à Saint-Cloud, M. Caudebec a parlé avec des capitaines catholiques : l’armée est indignée que l’attentat de Jacques Clément lui ait enlevé une victoire assurée. Vous connaissez les talents militaires de Navarre et sa bravoure chevaleresque. On ne peut qu’être honoré de servir un tel maître!
Ce fougueux plaidoyer parut ébranler Ornano et porta du baume au cœur de Rosny.
— Peste! Vous en parlez facilement, madame, puisque vous êtes vous-même hérétique, persifla quand même O.
— Hérétique? Le croyez-vous vraiment? Mon père était protestant, ma mère catholique, mes enfants choisiront la religion qu’ils désirent, dit-elle en touchant son ventre rond. Mon époux est catholique et je vais à la messe quand il me le demande. Nous croyons dans le même Dieu, alors peu importe notre façon de prier! N’êtes-vous pas capable de faire la même chose qu’une faible femme comme moi?
O grimaça en restant renfrogné tandis que Ornano affichait maintenant un franc sourire.
— Que souhaiteriez-vous pour donner votre fidélité au roi, seigneur d’O?
Le marquis soupira.
— Un engagement de sa part. Un engagement écrit, formel, enregistré nous promettant qu’il se convertira, qu’il nous laissera nos charges et ne les distribuera pas à ses amis. Mais les huguenots dont vous êtes s’y opposent. Et s’y opposeront toujours.
— Pas moi! fit-elle. Je suis la fille du prince de Condé et la fille adoptive du pape des huguenots, ma voix peut être écoutée si je parle en leur nom, et Henri de Bourbon m’écoutera.
Elle se leva.
— Monsieur d’O, acceptez-vous de venir avec moi chez le roi maintenant?
— Maintenant? Vous n’y pensez pas! s’offusqua Rosny.
— Non seulement
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